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Compte rendu des visites et échanges

14 décembre 2015

Visite chez Tehms

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Avant la présentation de Tehms, interventions de Fatiha Legzouli d’Initiatives Plurielles et de Laurine Herreman de Nord France Innovation Développement, pour le programme La Suite dans les Idées.

L’ambition de La Suite dans les Idées est de mettre en œuvre une politique ambitieuse de développement de la culture entrepreneuriale dans le Nord-Pas de Calais. La Région et ses partenaires (Education Nationale, Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité, représentants des dirigeants…) a pour vocation de faire de chaque habitant de la Région un acteur de sa vie professionnelle et du dynamisme du territoire.

Une quarantaine de femmes assistent à la visite dans les bâtiments d’EuraTechnologies. Ingrid Eeckhout, gérante de la société Tehms, présente son parcours et échange avec le public sur les différentes facettes de son expérience d’entrepreneure.

 

Promouvoir l’entrepreneuriat

Je vous accueille aujourd’hui avec plaisir, pour deux raisons. Je suis passionnée par ce que je fais et j’ai envie de le partager. Ensuite, je pense que monter une entreprise est une excellente façon d’être actrice de sa vie professionnelle et un très bon moyen de créer de l’emploi. C’est ainsi que je n’ai pas hésité à m’engager et que je suis également marraine dans l’association Initiatives Plurielles.

 

Présentation de Tehms

J’ai créé mon entreprise, en 2007, avec un co-fondateur qui est aussi mon frère.

Nous avons débuté cette aventure en 2005. Nous sommes éditeur de logiciels pour aider l’entreprise à gérer les ressources humaines, notamment la gestion de talents : identifier et évaluer leurs compétences, former les collaborateurs, leur proposer un parcours professionnel, détecter les pépites…

Nous sommes une entreprise technologique. Nous avons donc choisi de nous installer à EuraTechnologies, un écosystème dynamique qui accompagne la création d’entreprises dans les technologies (levées de fonds, connexions internationales…).

 

Un esprit entrepreneurial

J’ai 35 ans. Je suis mariée. J’ai trois enfants : une belle-fille de 15 ans et deux enfants de 9 et 3 ans. Le quotidien est assez chargé à la maison.

J’ai démarré par un DUT mesures physiques. J’ai été à Télécom Lille, une école d’ingénieur. J’ai choisi cette école, car au-delà de la partie technologique qui me passionnait, elle proposait une dimension marketing, gestion de projet, finances et une option « entrepreneuriat ». Dès le début j’ai mentionné mon envie de créer une entreprise. J’ai suivi ce cursus en apprentissage pendant trois ans.

Pour projet de fin d’études, j’ai travaillé sur la gestion des ressources humaines, dans un service qui se restructurait. Il fallait identifier les compétences des 60 techniciens pour leur proposer une formation. Ma mission mixait une partie RH et une partie développement informatique. Je me suis passionnée pour ce domaine. Cela a été une révélation et j’y ai trouvé l’idée de ma future entreprise.

 

Nos rêves sont accessibles

Invité à l’école, Denis Leroy, conseiller de projets à Cré’Innov, l’incubateur de Lille I, a livré aux étudiants une petite histoire qui m’a beaucoup aidé à progresser.

« Il était une fois une course de grenouilles. L’objectif était d’arriver en haut d’une grande tour. Beaucoup de gens se rassemblèrent pour voir les grenouilles, toutes très motivées. La course commença.

En fait, les gens ne croyaient pas possible que les grenouilles atteignent la cime et l’on entendit : « Inutile ! Elles n’y arriveront jamais ! »

Les grenouilles se découragèrent, sauf une qui grimpait, sourde aux commentaires : « Pas la peine ! Elles n’y arriveront jamais !... »

Les grenouilles s’avouèrent toutes vaincues, sauf une qui grimpa envers et contre tout, et atteignit la cime au prix d'un énorme effort.

Les autres, stupéfaites, voulurent savoir comment elle avait fait. L’une d’elles s’approcha pour le lui demander. Et découvrit qu’elle... était sourde ! »

J’aime cette histoire. Car, en période de création, on peut souvent entendre des discours du style : « Ce n’est pas possible. Sois raisonnable. Ce serait plus simple de rester salariée… » Résultat ? On ne monte pas en haut de la tour. Ne laissez personne vous empêcher de vivre vos rêves. Ils peuvent tout à fait être accessibles en restant sourd aux échos démotivants.

 

Se faire confiance, un véritable moteur

À la sortie de l’école, j’avais une idée de projet qui me passionnait. Mon frère était partant pour s’associer à une création d’entreprise. Puis, en présentant ce projet, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont conseillé de chercher un emploi, arguant de ma récente sortie de l’école. J’ai cédé et été rapidement embauchée dans une SSII… que j’ai quittée trois semaines plus tard, décidée à créer mon entreprise. Le déclencheur ? Un dîner chez une collègue dont l’ami avait démarré sa société en dernière année d’école d’ingénieur.

 

Être incubés : une clé du démarrage

Nous avons été incubé chez Cré’Innov pour commencer à réfléchir à notre projet d’édition d’un logiciel innovant de gestion des compétences.

Je me souviens du premier rendez-vous avec mon conseiller. Face à la porte étaient affichés les prix remportés par différentes entreprises, avec mon frère, nous nous disions « Ce n’est pas pour nous », avant d’être accueillis à bras ouverts.

Lors d’une création, pouvoir se faire accompagner et ne pas rester seul(e) sont, à mes yeux, deux points essentiels.

 

Être accompagnés pour avancer

Nous avons débuté un accompagnement avec plusieurs dispositifs mis en place dans la région, dont je souligne la qualité, pour le secteur des technologies et de l’innovation.

Cré’Innov nous a mis en relation avec le MITI, l’incubateur technologique du Nord-Pas de Calais, Réseau Entreprendre Nord, Bpifrance, d’autres organismes qui soutiennent la création et des fonds d’investissements.

Une fois entrés dans ce dispositif, nous avons été lauréats Réseau Entreprendre, LMI, Oseo... Preuve que l’on peut aller au-delà de ses rêves.

Nous avons démarré le projet et intégré des fonds d’investissements dans notre capital.  ce sujet, Autonomie et Solidarité a joué un grand rôle, car ils ont été les premiers à investir chez nous. Ce qui a permis un effet levier pour les autres (dont Inovam, un fonds d’investissement pour les entreprises innovantes…).

 

L’essentiel soutien familial

Si mon mari ne m’avait pas soutenue, je ne sais pas si j’aurais passé le pas. Avant de me lancer, j’ai aussi évoqué ce projet avec ma mère. C’est d’ailleurs elle qui a gardé ma fille à sa naissance, alors que je venais de créer. Mais le soutien peut également venir d’un(e) ami(e), d’un accompagnement dans une association. Il faut pouvoir compter sur une personne proche avec qui on peut partager ses inquiétudes, ses peurs, ses découragements… Une personne qui sait écouter et remotiver. C’est vraiment important.

 

Entreprendre : lever des défis quotidiens

Après avoir déposé les statuts de la société, un compte à rebours se met en place. Il faut commencer à faire du chiffre d’affaires, à trouver les premiers clients, puis les dix suivants… Cette étape n’est pas simple, surtout sans références, mais elle fait partie de l’aventure.

 

Accompagner le développement de son entreprise

Nous nous sommes ensuite développés et avons doublé le chiffre d’affaires chaque année jusqu’à atteindre un million en 2013. Nos concurrents avaient créé avec des fonds dix fois supérieurs et nous étions un petit acteur du marché. Pour évoluer, nous souhaitions proposer un logiciel qui, outre la gestion des talents, intégrait aussi le recrutement, la gestion des temps des activités et la planification. Nous avions donc besoin de fonds importants pour nous développer plus vite, plus largement et à l’international.

Avec notre comité de pilotage, nous avions envisagé une association, une acquisition ou une vente… Ce projet approuvé, la société Horizontal Software, éditeur en gestion du recrutement et gestion des temps, nous a contactés. Cette société cherchait à compléter son activité. Ensemble, nous avons construit, puis validé un business plan. Aujourd’hui, Tehms est détenu par Horizontal Software. Les actionnaires sont remontés au capital de la nouvelle entité et l’équipe a suivi le projet. Nous sommes un groupe de 80 personnes, présent sur toute la France, avec une ambition de développement à l’international, notamment en Amérique du Nord avec une filiale à New York.

 

Bien s’entourer pour cultiver une ouverture d’esprit

Nous avons été plusieurs fois lauréats et avions des parrains dans différentes structures. Au début, nous les rencontrions séparément avant de décider la création d’un comité de pilotage qui réunissait nos parrains, nos investisseurs et plus tard nos actionnaires. Véritable lieu de débat qui s’inscrivaient dans la complémentarité, il nous a permis d’échanger sur nos problématiques.

2015-11-19 Visite Initiatives Plurielles -TEHMS

 

 

les echanges avec un public desireux

 

 

« Combien de temps a duré votre création d’entreprise ? »

Nous avons intégré Cré’Innov en septembre 2005 et créé l’entreprise en mars 2007, un an et demi plus tard. Cela peut être plus court. Comme nous étions une entreprise technologique, nous avions besoin de recherche et développement préalable. Nous devions également trouver un financement et lever des fonds, étape qui nous a pris six mois.

 

« Au démarrage de votre projet, comment avez-vous inscrit
la création d’entreprise dans votre quotidien ? »

Je n’ai pas créé en étant salariée. Cette configuration n’est pas simple dans la gestion du temps. J’avais arrêté de travailler. Certes, je faisais un peu de consulting, mais cela faisait partie d’une « formation » à notre création. Quand nous sommes arrivés dans l’incubateur, nous avions juste une idée. Nous avons été accompagnés pour construire le business plan et transformer une vision en produit accessible sur le marché.

 

« Peut-on envisager de créer une entreprise avec uniquement son idée
ou faut-il un financement pour convaincre ses partenaires ? »

J’avais un peu économisé, car je percevais un salaire en apprentissage. Mais cette somme était bien insuffisante.

Selon moi, quand on démarre, on vient avec son idée, son expérience, son savoir-faire, son originalité, son envie et sa détermination.

Un des points très importants est l’adéquation de la personne avec son projet.

 

« Vous avez été formée aux bases de gestion et de management. Pensez-vous que ces compétences sont incontournables à la création ? »

J’ai tendance à penser qu’il s’agit de technique. Après mon école d’ingénieur, j’ai fait un master Entrepreneuriat et Management de l’Innovation à l’IAE. Nous suivions des cours de finance, de marketing… et nous rendions à chaque professeur la partie du business plan qui correspondait à sa matière. Ce master est ouvert à tous.  Enfin, dans les incubateurs et réseaux d’accompagnement, vous pourrez rencontrer des experts. Le plus important ? C’est l’idée, la conviction, la motivation, la passion, la différenciation. Ensuite, les moyens et les compétences, on les acquiert.

 

« Avez-vous créé techniquement votre logiciel ? »

J’ai co-crée l’entreprise avec mon frère. Nous avons suivi le même cursus mais il a un profil plus technique. Il a été à l’initiative de l’architecture technologique innovante pour laquelle nous avons obtenu un financement. Et nous avons très vite recruté pour avancer sur ce sujet. Déjà en incubation, nous avons intégré des stagiaires au sein de notre équipe.

La partie développement informatique n’est pas une contrainte pour créer dans les nouvelles technologies. Mais il faut comprendre son interlocuteur technique.

 

« Comment avez-vous pu vivre lors du montage de votre projet ? »

J’ai travaillé à la création de sites Internet en portage salarial. Mais j’ai surtout bénéficié d’allocations chômage, environ 800 € par mois le temps de la création. Puis au démarrage, nous nous sommes versé 1 000 € mensuel et nous avons obtenu l’ACCRE, une exonération partielle et progressive des charges sociales.

Enfin, nous avons créé jeunes. Mon mari travaillait, même s’il débutait. Notre niveau de vie n’était pas très élevé.

 

« Comment avez-vous convaincu votre premier client, alors que vous n’aviez pas de références ? »

Notre parcours de création a été une histoire de rencontres. Pour candidater à différents financements, les structures vous proposent d’échanger avec des experts. Dans ce cadre, j’ai rencontré le président de Nocibé, qui m’a suggéré de prendre rendez-vous avec son DRH de l’époque. Le produit qui correspondait aux besoins de Nocibé a séduit ce dernier. Et nous avons signé notre premier contrat. Depuis ce DRH, aujourd’hui consultant indépendant, est un fervent ambassadeur de notre logiciel.

« Le parcours de création doit-il s’inscrire dans un réseau thématique ? »

Nous avons suivi un dispositif régional dédié aux entreprises innovantes. Mais il en existe d’autres. L’essentiel réside plutôt dans la vision que vous avez de votre entreprise, de là où vous voulez la mener. Aujourd’hui en tant que marraine, je travaille avec ma filleule ces points : « À quoi ressemblera ton entreprise, as-tu envie de la développer avec plusieurs personnes ou veux-tu créer ton propre emploi ? » Le reste, c’est de la technique. Et de nombreux accompagnants pourront vous aider à valider votre projet.

« Fusionner avec une structure plus importante est sans doute sécurisant,
mais n’est-ce pas frustrant ? »

Certes, dans notre propre structure, nous avions plus de liberté. Avec mon frère, nous avancions vite et de façon autonome. Mais cette entreprise, il fallait la mener au pas suivant. Nous avons fusionné avec une jeune entreprise créée en 2010, dans laquelle l’organisation et le développement restent à construire. Cela est synonyme de beaux défis (filiale à New York…) qui sont la suite logique de mon travail chez Tehms.  Le développement est porté par une équipe de direction dans laquelle je me sens suffisamment de liberté pour partager ma vision et emmener le groupe là où je le souhaite. Pour l’instant, j’ai l’impression d’aller un pas plus loin. Mais peut-être un jour, je recréerais une entreprise.

 

« Comment vous développez-vous à l’international ? »

Le développement international est porté par le groupe. Plusieurs accompagnements existent en région la CCI international, la Coface, Business France avec qui nous avons fait des missions de prospection.

 

« Comment trouver l’équilibre entre être sourd aux démotivations et rester ouvert ? »

Quand on crée une entreprise, on crée une vision de là où l’on veut la mener. Les retours négatifs qui n’apportent rien au projet n’ont pas d’intérêt. Par contre, de nombreux accompagnants vont vous challenger sur des points qui permettent de construire cette vision. Pour rendre concrète cette l’idée, il faut revoir et ajuster certains sujets, s’adapter aux marchés, rencontrer de futurs clients. Pour le développement aux États Unis, j’ai discuté avec de nombreuses structures pour comprendre le marché. C’est important d’être à l’écoute de ce qui construit et alimente un projet.

 

« Comment accompagner une entreprise qui grandit ? »

Il faut prendre un peu de distance, être capable de se dire que son entreprise est une entité en tant que telle et apprendre à déléguer. Comme un enfant, cette entité se développe et prend son indépendance. Mon entreprise doit pouvoir vivre avec ou sans moi et avec l’intervention d’autres personnes.

 

« Comment fait-on dans les moments de doute ou quand on rencontre
un interlocuteur qui ne croit pas à votre projet ? »

Dans ces cas-là, la conviction intérieure porte. Et face à une personne sceptique, il convient de s’interroger. Cette personne a-t-elle compris mon projet ? Est-elle dans un environnement qui lui permet d’apprécier une innovation ? À ce sujet, je pense à cette citation d’Henry Ford : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides ». Est-ce que j’expose mon projet assez clairement ? Est-ce que je développe les bons arguments ? Cela permet de se remettre en question et de progresser.

 

« Vous avez des enfants, dormez-vous encore la nuit ? »

J’ai trouvé une organisation familiale, en accord avec son mari. J’étais enceinte lors de la phase de création d’entreprise. Cela m’a d’ailleurs aidée à prendre du recul. Ensuite à la naissance de mon deuxième enfant, je me suis organisée. J’avais une équipe qui était plus autonome. Certes, je ne décroche jamais complétement. Mais je peux, si besoin, me mettre à l’écart. Aujourd’hui, les développements sur le groupe me prennent plus de temps. Mais j’ai tendance à dire qu’il faut conserver un équilibre. Quand on passe 100% de son temps au boulot, on fait pire que mieux.

 

« Conseilleriez-vous à vos enfants d’être entrepreneur(e)s ? »

Oui. Je partage ce que je vis au quotidien. L’entrepreneuriat est, pour moi, une passion et un moyen d’expression. Quand ce n’était pas simple aux débuts, je m’interrogeais : « Pourquoi ne suis-je pas entré dans une grande entreprise ? ». La réponse est simple : « Jamais je n’aurais pu trouver un poste à ma mesure dans lequel je puisse m’exprimer et évoluer ». Aujourd’hui, les rencontres avec ma filleule sont bénéfiques, je réinterroge certaines idées. Cela me fait grandir.

 

« Comment concilier vie familiale et vie professionnelle ? »

La création d’entreprise prend une grande place dans la vie. Je me suis lancée à 24 ans. Avec mon compagnon, nous étions d’accord pour faire un bébé et construire l’entreprise en même temps. Nous avons eu beaucoup de chance, ma fille et mon entreprise sont nées en même temps. C’est là que le soutien familial prend tout son sens.

Il est important de rester à l’écoute de soi-même et de ses enfants. Aujourd’hui, je travaille beaucoup, mais tous les soirs, la famille se retrouve pour dîner. Je profite de la souplesse que m’offre la maîtrise de mon emploi du temps. Même si en contrepartie, je peux travailler un samedi ou partir une semaine en déplacement.

 

« Pouvez-vous nous décrire votre journée-type ? »

(Rires) Je n’ai pas de journée-type. J’essaie de conduire régulièrement mes enfants à l’école. À ce sujet, je m’organise avec mon conjoint. J’ai un bureau à la maison où je m’installe certains soirs. Sinon, avec mon portable et mon ordinateur, je travaille partout. C’est important d’être souple. Je fais aussi comprendre à ma famille qu’elle compte dans la réussite de cette entreprise. Je dis à mes filles que c’est notamment grâce à leur autonomie que je peux la faire avancer.

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9 novembre 2015

Visite chez Pause V.I.Pee

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Avant la présentation de Pause VIPee, interventions de Fatiha Legzouli d’Initiatives Plurielles et de Sandrine Danno d’Autonomie et Solidarité, société de capital-risque solidaire.

Autonomie et Solidarité a pour vocation d’apporter des financements pour renforcer les fonds propres d’une entreprise respectueuse de l’homme et l’environnement (création, reprise, développement…) et de l’accompagner. Son objectif : la création ou le maintien d’emplois.

La Caisse Solidaire est également partenaire de cette aventure entrepreneuriale. Cet établissement de crédit spécialisé à statut coopératif, agréé « entreprise solidaire d’utilité sociale », accorde des crédits aux entrepreneurs (TPE/PME, coopératives, associations, startups…) qui s’engagent en faveur du développement de leur territoire, de la création d’emplois et/ou de l’économie sociale et solidaire.

 

Sandra Ponvienne, gérante de la société Pause VIPee, présente son parcours et échange avec le public sur les différentes facettes de son expérience d’entrepreneure. Près de 30 femmes assistent à la visite qui se déroule dans les locaux d’Autonomie et Solidarité, à Lille.

 

Présentation de Pause VIPee

Pause VIPee est un concept de gestion innovante des toilettes publiques et s’adresse à tous les établissements recevant du public à forte fréquentation disposant également de points de vente annexes aux toilettes.

Effectivement, 77 % des Français trouvent que les toilettes publiques sont sales, en France. Le concept est donc né d’un besoin. Je me suis interrogée sur ce que je pouvais apporter au monde des toilettes. Ma réponse ? Une propreté continue, un accueil permanent et une sécurisation des lieux.

Nos promesses de vente : propreté garantie et satisfaction de l’utilisateur, à qui l’on propose un accès prépayant aux toilettes en contrepartie d’une réduction à valoir sur les enseignes partenaires.

Pause VIPee crée de l’emploi. C’est aujourd’hui cinq personnes.

Cette solution se construit autour d’un contrôle d’accès modulable, d’une borne de fidélisation, d’une hôtesse de service et de l’agencement et rénovation des toilettes (en option).

Nous respectons une approche de développement durable et sociétal.

 

Devenir entrepreneure, un projet de vie

J’ai 46 ans. Mon parcours professionnel n’a rien à voir avec le monde des toilettes.

Pendant quinze ans, j’ai travaillé dans le domaine de la sécurité. Ces dernières années, j’occupais un poste de cadre dirigeante dans un grand groupe, avec une pression énorme. Certes, avec un salaire important, mais sans doute au bord du burn-out. Je me suis donc interrogée sur ce que j’avais vraiment envie de faire.

L’idée de créer une entreprise m’a toujours animée. J’ai aidé mon père et mon mari dans leur création, dans des milieux très différents.

À la faveur d’une nouvelle réorganisation de mon entreprise, je me suis questionnée sur l’opportunité de négocier un départ. Mais avant de passer le pas, je souhaitais trouver une idée.

 

Naissance et concrétisation d’une idée

J’ai pris le temps de m’interroger sur mon ADN, ce dont j’avais besoin, ce qui m’animait vraiment.

J’ai ensuite suivi, à Paris, une formation Audace tout en étant en poste. Celle-ci proposait deux parcours, l’un d’une semaine pour trouver l’idée et l’autre de six semaines pour aller plus loin dans le projet.

J’avais une piste. J’avais découvert, dans le show-room d’un fournisseur belge qui avait mis au point une solution innovante de contrôle d’accès pour parkings, une proposition d’accès aux toilettes. J’avais trouvé cela top. Révoltée par l’état des toilettes en France, j’y avais été sensible. Mais pour qu’une idée soit viable, il faut un marché.

Au bout d’une semaine chez Audace, j’avais mon idée. Cette formation réunissait quinze participants. Nous y étions challengés et critiqués subtilement quant à l’intérêt de nos projets. Puis, nous les présentions à un jury professionnel.

Après avoir structuré mon idée, j’ai souhaité poursuivre les cinq autres semaines. J’ai ensuite exposé à nouveau mon projet et reçu des avis positifs et négatifs mais toujours constructifs.

 

Devenir entrepreneure, un beau défi

Quand vous êtes une femme, que vous arrivez sur un marché innovant, en plus dans le domaine des toilettes, on vous regarde avec des yeux ronds. Et on attend que vous fassiez vos preuves.

Croire en votre projet vous donnera cette capacité de conviction. Mais il vous faudra des piliers de soutien : une amie, quelqu’un de confiance. Un échange, un café peuvent parfois permettre de repartir.

Pour ma part, j’ai travaillé dans la sûreté, un monde d’hommes. J’étais d’ailleurs la seule femme au conseil d’administration. Récemment sur un de mes chantiers, un décideur parlait de moi me nommant « la petite dame », cela me donne encore plus envie d’être meilleure.

 

Une reconversion qui fait appel aux compétences acquises

De la sécurité aux toilettes, il existe un lien logique. J’ai géré des équipes, acquis des compétences. La reconversion est possible mais retrouver des compétences acquises par le passé dans la nouvelle activité est un vrai atout.

 

Indispensable soutien familial

Après avoir négocié un départ avec mon entreprise, je me suis lancée, soutenue par ma famille et mon conjoint. Le challenge était important. Je connaissais la situation que je quittais, j’étais convaincue par l’aventure que je souhaitais tenter mais toute la famille a porté le « risque » de ne peut-être pas partir au ski ou d’avoir moins de cadeaux à Noël. Il y a forcément une incidence.

Au quotidien, une création remet en question un cocon familial. J’ai eu de la chance, car mon mari, chef d’entreprise lui-même, m’a beaucoup encouragée.

J’ai une fille de 19 ans. Ce n’est parfois pas simple de se lancer quand les enfants sont petits, mais je peux vous assurer que ce n’est pas plus évident quand ils sont adolescents. Ma fille n’a pas tout de suite pris la mesure de cette nouvelle situation. Mais quand il a fallu renoncer à acheter un jean de marque, cela a été plus dur. Par contre, aujourd’hui, c’est ma première supportrice. Elle voit l’investissement au quotidien et en est fière. Dernièrement, elle m’a accompagnée à un rendez-vous pour présenter la société.

 

Une aide financière à la création d’entreprise appréciable

Avoir négocié un départ m’a permis de prétendre à une aide financière à la création d’entreprise proposée par Pôle Emploi. J’ai pu mettre à profit mes 24 mois d’allocations chômage au service de mon projet. J’ai pris neuf mois pour le peaufiner et ensuite bénéficié de cette aide à la création pendant 15 mois. C’est une charge en moins pour l’entreprise.

 

Le business plan ou la validation du projet

Il ne faut pas avoir peur de cet outil obligatoire. Concrètement, vous ne pouvez pas vous lancer dans une activité, si vous n’avez pas identifié le marché, son potentiel, ses acteurs, les concurrents, votre positionnement, les axes différenciants de votre offre… Indépendamment de l’outil dont vous aurez besoin pour aller démarcher des banques ou des établissements financiers, il sera votre bible. Certes, sa rédaction vous semblera peut-être fastidieuse mais ce travail devrait vous permettre de maîtriser votre marché et vous aider dans l’approche financière.

On vous propose de travailler une version minimaliste, réaliste et optimiste. Avec le recul, je ne peux que conseiller de rédiger un plan réaliste qui ne sera peut-être pas atteignable Il faut y être préparé. C’est essentiel, car lorsque vous allez démarcher les banques, vous allez demander une somme qui doit couvrir vos besoins. Si vous y retournez six mois plus tard, vous ne serez plus crédible.

Pour réaliser votre business plan, il faut commencer par une étape d’approche théorique du marché. Si vous détectez un besoin, vous pouvez poursuivre avec un plan prévisionnel chiffré.

Pour la phase suivante, je pense qu’il est utile de faire valider le marché potentiel analysé. Pour ma part, je suis passée par un consultant croisé chez Audace. Nous avons organisé une rencontre avec dix clients potentiels et les retours ont été très positifs. Cela m’a aidée à me lancer.

 

Financer son projet

Concrètement, dans mon offre comme je propose l’agencement et la rénovation des toilettes, je dois disposer de fonds importants. Je finance ces chantiers pour proposer des marchés sur dix ans.

J’avais un peu de capitaux suite à ma négociation. Mais je ne souhaitais pas mettre tous mes œufs dans le même panier. J’ai mis 25 000 euros en compte courant et 20 000 euros de capital et j’ai fait le tour des banques.

En fait, devant le banquier, vous n’ouvrez pas votre business plan, vous êtes uniquement jugée sur votre capacité à présenter votre projet et sur votre conviction.

Sur ce point, je peux partager deux astuces :

Travaillez sur votre phrase-métier. Elle doit susciter l’intérêt et résumer votre activité.

Enfin, le principal réside dans votre capacité à convaincre, votre posture et votre détermination Cela représente 70 % de la réussite de votre projet.

J’ai demandé 100 0000 euros. J’ai été voir six banques. Peu reconnaissent l’innovation. Ma première satisfaction de chef d’entreprise a été d’obtenir ce crédit.

Ensuite, j’ai obtenu des prêts d’honneur : 40 000 euros par LMI Innovation et 50 000 euros par le Réseau Entreprendre Nord.

Enfin, comme je n’avais pas assez d’argent, j’ai été mise en contact avec Autonomie et Solidarité, la Caisse Solidaire et le Groupe IRD avec Nord Création. Cela a été ma deuxième victoire : faire une levée de fonds avec un chiffre d’affaires nul.

 

Être accompagnée pour avancer

Je me félicite des réseaux découverts à Lille. En effet, je suis venue m’installer ici pour mon projet et j’en ai trouvé de formidables.

J’ai été accompagné par le Réseau Entreprendre Nord. J’ai rencontré régulièrement mon tuteur, qui a une expérience en lien avec mon secteur d’activité. Enfin, leur promotion qui réunit 10-15 entrepreneurs est l’occasion d’un vrai partage.

La solitude du chef d’entreprise existe. Prendre la bonne décision au bon moment n’est pas toujours évident. Il m’est arrivé de me tromper. On a droit à l’erreur, elle permet souvent de rebondir.

Autonomie et Solidarité s’est aussi révélé un véritable partenaire tant par l’octroi d’une levée de fonds que par son accompagnement et sa participation au comité stratégique de l’entreprise.

 

Le temps d’un premier bilan

La première année m’a permis de structurer mon projet et mon offre et de trouver les financements.

Six mois plus tard, deux sites démarrent à Bordeaux et Paris après deux sites précédemment ouverts dans le Nord.

Ce n’est pas gagné mais j’y crois toujours. Je vais rentrer dans une phase de rentabilité de l’activité. J’ai donné une dimension à l’entreprise. C’est une première étape passée avec succès.

 

La création d’emplois à bon escient

Une belle entreprise est souvent synonyme de création d’emplois. C’est un a priori. J’ai fait le choix de sous-traiter le recrutement des hôtesses de service. Car la gestion de personnel n’est pas simple. L’objectif n’est pas la création d’emplois pour la création d’emplois. Aujourd’hui, je paie plus cher des entreprises de nettoyage qui me proposent du personnel et me garantissent une flexibilité. C’est un vrai confort. Il faut savoir gérer une création d’emplois à bon escient.

 

La recette d’une détermination sans faille

Des doutes, vous en aurez toujours, notamment jusqu’à ce que vos projets se concrétisent un peu. Dans ces moments-là, je lis et relis Réfléchissez et devenez riche de Napoléon Hill.

Cet essai révèle une recette que je vous laisserai découvrir. Mais la clé réside dans la détermination.

Enfin, pour éviter toutes déconvenues, soyez en phase avec vous-même quant à la dimension que vous souhaitez donner à votre entreprise.

 

 

les echanges avec un public desireux

 

« Comment choisissez-vous les sites de vos implantations ? »

Le choix de mes implantations est stratégique.

Comme je prends les installations en charge et fonctionne sur un business model basé sur le trafic, je dois mesurer ce dernier. Parfois, les centres commerciaux le connaissent. Sinon, nous posons des compteurs et je soustrais 25% de trafic pour obtenir un chiffre plus juste.

En démarrant, j’ai donc investi dans un site show-room nordiste pendant six mois. J’ai perdu de l’argent mais réussi à montrer ce que nous savions faire. Quand je démarchais, le projet était concret et j’ai pu ensuite passer à une autre dimension.

 

« Comment avez-vous réalisé vos premières démarches commerciales ? »

Les salons m’ont aidée dans la démarche commerciale. Mais attention, il m’est arrivé d’investir dans un salon qui n’a pas eu de retombées. Par contre, j’ai osé miser sur le SIEC, rendez-vous parisien du retail. Cela m’a couté beaucoup d’argent mais toutes mes cibles y étaient présentes. J’ai réfléchi dix fois avant de le faire. Et aujourd’hui, on m’appelle grâce à ce salon.

 

« Comment gérez-vous la sous-traitance ? »

Mon idéal aurait été de trouver un partenaire national, qui m’aurait permis de dupliquer un modèle. Ce n’est pas évident. Et parfois, des clients m’imposent un sous-traitant, qui peut se révéler être un bon partenaire.

Chez Pause VIPee, nous devons accueillir, expliquer le coupon de réduction. Les bons partenaires doivent être capables de mettre en place cette exigence.

L’objectif est d’avoir le moins de turn-over possible. Il s’agit, en effet, de valoriser cette fonction d’hôtesse. Le management sociétal a ici toute son importance.

J’ai un concurrent qui prend des marchés en France et fait fi du personnel existant. Je me plais à dire que, dans mon projet, l’hôtesse de service a tout son sens et est au cœur du projet. Elle est même le gage de sa pérennité.

 

« Quels sont vos marchés ? »

Tous les établissements qui reçoivent du public : aéroports, centres commerciaux, stations essence, stations de métro… Je ne peux pas tout dévoiler.

J’ai même démarché des municipalités. Mais le problème reste le foncier. Qui le prend en charge ?

Il faut savoir qu’une sanisette coûte 50 000 euros à l’achat et 10 000 euros de contrat de maintenance par an. Certaines municipalités sont plus prêtes que d’autres.

 

« Avez-vous recruté vos collaborateurs ? Quand ? Étaient-ils porteurs du projet ? »

Ce n’est pas évident de recruter quand vous êtes une start-up. Cela passe là encore par votre capacité à convaincre.

J’ai rencontré cette difficulté quand j’ai recruté mon commercial.

On m’avait recommandé de passer par un chasseur de têtes, car je souhaitais recruter un candidat ayant un minimum de posture et d’expérience. Mes interlocuteurs sont, en effet, directeurs de centres commerciaux ou des sociétés foncières. Après m’être cassée les dents en proposant un avenir incertain à un commercial en poste, j’ai finalement intéressé un candidat, mais son travail sur le terrain ne m’a pas convenu. De plus, dans mon métier le processus de décision est long. Or, un commercial a besoin de concrétisations pour être challengé. Nous nous sommes donc quittés d’un commun accord.

J’ai ensuite préféré recruter un commercial junior dynamique pour la distribution des toilettes sans odeur.

J’ai également embauché un community manager, qui s’occupe des réseaux sociaux et du référencement, car je n’avais pas cette compétence

Un responsable technique fait également le suivi de chantiers.

Par ailleurs, je sous-traite la comptabilité.

J’ai créé des emplois en CDI. Sur les bas salaires, je bénéficie de réductions de charges patronales (dites « Fillon »).

Ma devise : affecter le bon salaire à la bonne compétence pour fidéliser.

On peut définir une base et des objectifs atteignables. Il faut que chacun y trouve son compte.

 

« Comment gérez-vous les coupons de réduction ? »

On observe un taux de retour entre 20 et 30 %. Il faut arriver à démonter la croissance organique pour l’enseigne qui va participer, ce que nous avons commencé à analyser dans notre show-room. Au fur et à mesure que les partenariats seront mis en place, nous apporterons des études plus fines. L’objectif des enseignes est de générer du trafic, et le coupon permet d’inciter l’achat immédiat ou de fidéliser. Honnêtement, ce n’est pas facile de convaincre nos futurs partenaires, car je ne suis pas en mesure de leur fournir de réelles statistiques. Mais notre projet parisien le permettra.

 

« Comment vous situez-vous par rapport à votre business plan ? »

La première année, j’en suis très loin. Ensuite, j’avais imaginé que j’aurais huit sites de petites tailles. Or, aujourd’hui, j’en ai trois importants.

J’ai revu le modèle économique. Il faut y être préparé, même en ayant très bien étudié votre dossier. Les perspectives sont très positives et cela m’anime et m’encourage… Le résultat ? Trois sites, des prospects très intéressants, des projets bien lancés.

« Quels freins avez-vous rencontrés ? »

Ni plus ni moins que le processus de décision. Je l’évaluais à 5 mois, mais il est plutôt de 10-12 mois. Je vous invite à envisager la création sous un angle réaliste voire pessimiste pour éventuellement absorber une année sans chiffre d’affaires.

 

« Quels sont vos principaux concurrents ? »

Au démarrage, j’avais identifié un concurrent dont le concept était très différent. Ce n’était pas inquiétant, car mon positionnement était différent.

Par contre, j’en ai découvert d’autres qui arrivaient sur le marché. Mais mon entourage m’a rassurée : un marché sans concurrent, ce n’est pas bon signe. Cette concurrence démontrait le besoin. Je devais m’interroger sur ce que je pouvais apporter de plus et comment.

Conclusion : la concurrence remet en question, de façon positive.

« Pouvez-vous être copiée ? »

N’importe qui peut être copié. Un concept ne se protège pas. Je défie quiconque de mettre en place cette solution. Exploitation, travaux, cela prendrait du temps. Mon avance me permettra donc de montrer de quoi je suis capable.

 

« En combien de temps êtes-vous passé de l’idée à une création d’entreprise ? »

En une année, j’ai découvert une solution de contrôle d’accès, eu l’idée, validé l’envie de créer avec mes proches, fait la formation Audace, quitter mon entreprise et ficelé mon dossier.

Encore aujourd’hui, l’idée est concrète, mais elle est remaniée tous les jours.

 

« Aviez-vous prévu un plan B ? »

Non, car je suis déterminée. Si cela ne devait pas marcher, je me remettrais sur le marché de l’emploi. Ou plutôt, non, je crois que je me relancerais dans la création.

 

« Que pensez-vous des réseaux ? Sont-ils apporteurs d’affaires ? »

Pas dans mon domaine. Mais ils permettent un accompagnement et de sortir de la solitude du chef d’entreprise. Nous avons besoin de partager des problématiques communes, certes à des échelles différentes, et le fait d’en discuter régulièrement, avec bienveillance apporte beaucoup. Par contre, face à la multiplicité des réseaux, il faut sélectionner celui qui vous convient et garder son authenticité.

8 septembre 2015

Visite Cabinet Nutrition I. Lamour et Cabinet Equilibre

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Isabelle Lamour, nutritionniste et gérante du Cabinet Nutrition I.Lamour et Valérie Degosse, naturopathe et réflexologue, gérante du Cabinet Équilibre, présentent leurs parcours et échangent avec le public sur les différentes facettes de leurs expériences d’entrepreneures. Une trentaine de femmes assistent à la visite qui se déroule à la Maison des Associations, à Lille.

Isabelle - Je suis nutritionniste et propose une prise en charge de la personne dans sa globalité. L’accompagnement est personnalisé et s’adapte à ses besoins.

Valérie - Je suis naturopathe et propose une approche naturelle de la santé, en travaillant surtout sur la prévention. Il s’agit de donner les moyens à chacun d’être en bonne santé avec des outils et des techniques naturelles, notamment l’utilisation de plantes.

 

Une reconversion dans le bien-être

Isabelle - Infirmière de formation, j’ai exercé ce métier en milieu hospitalier avant de diriger une crèche. Suite à un licenciement économique, j’ai suivi des formations de nutritionniste et de massage bébé. Maman de trois enfants, j’ai renoncé à retourner dans le milieu hospitalier, car les horaires étaient inadaptés à mon organisation personnelle. Quant à mon travail en crèche, il était trop administratif à mon goût. Je me suis ensuite beaucoup interrogée sur la création d’entreprise. Aidée par Initiatives Plurielles, j’ai formulé mes doutes comme mon désir d’indépendance. Ma création n’a pas été brutale, ce fut un cheminement personnel qui a donné lieu à un bel aboutissement.

Valérie - J’ai eu une vie professionnelle différente avant de créer mon cabinet. Je travaillais dans la communication et l’édition mais à titre personnel, j’ai toujours été intéressée par la nature, l’écologie et la santé au naturel. Le déclic de ma reconversion ? Un jour, j’ai lu la description du métier de naturopathe et cela a été une évidence. J’ai donc décidé de me former pour pouvoir vivre de cette nouvelle activité. L'objectif de cette reconversion était de créer mon cabinet. J’avais, comme Isabelle, cette envie d’indépendance.

 

Un changement de vie pour avancer

Isabelle - Je trouve que le changement est toujours bénéfique. Certes, il y a toujours la crainte de quitter une situation confortable pour aller vers l’inconnu. Mais je me suis toujours enrichie des changements, aussi bien quand j’ai changé de métier que lorsque j’ai décidé de créer une entreprise. J’ai énormément appris dans le domaine de la gestion, de l’administratif et des ressources humaines.

Valérie - Quand j’ai su que mon congé individuel de formation avait été accepté, j’ai été contactée par un chasseur de têtes qui me proposait un super boulot, bien payé. Je l’ai refusé sans hésiter une seconde.

 

La clé de la création d’entreprise : une passion pour son métier

Isabelle - Selon moi, la clé de la création, c’est d’être passionné par son métier. Il est à la base de votre projet et c’est vraiment à partir de cette passion que vous allez construire votre quotidien. Ensuite, la motivation, l’ambition, le dynamisme vous permettront d’adopter la bonne posture pour avancer. Je vous encourage donc à écouter vos envies.

 

Se faire accompagner pour préparer un projet ou faire un premier bilan

Isabelle - Je reconnais que, sans Initiatives Plurielles, je n’y serais pas arrivée. Travailler avec Loïc qui s’occupait de la filière bien-être a été le déclencheur de mon envie de création. Et être accompagnée m’a apporté un soutien dans le renforcement de la confiance en soi, l’aide à la prospection, la gestion de projet, les prévisions financières ou le choix du bon statut. Sans cela, j’aurais pu être freinée par le côté administratif et commercial et renoncer à créer. Il est important de trouver des ressources pour surmonter ses peurs.

J’insiste sur le fait que l’accompagnement est très important. Si Initiatives Plurielles me correspondait bien notamment pour ses valeurs de solidarité, je vous encourage à consulter l’ensemble des structures régionales qui le propose sur le site jecree.com avant de faire votre choix.

Enfin, si l’accompagnement booste, c’est toujours vous qui êtes aux commandes.

Valérie - Le démarrage de mon cabinet n’a pas été fulgurant, raison pour laquelle j’ai contacté Initiatives Plurielles et débuté également un accompagnement avec Loïc.

Être accompagnée vous oblige à vous organiser. Vous devez effectuer des démarches entre deux rendez-vous et ce contrat moral passé avec votre conseiller vous permet d’avancer. L’accompagnement permet aussi de travailler vos points faibles. Il m’a aidée à aller à la rencontre des autres pour exposer mon projet et cela m’a boostée.

 

Partager avec son entourage pour trouver un soutien essentiel

Isabelle - Le soutien de mon mari et celui de ma famille a été important pour moi, surtout dans la période de démarrage quand on connaît des hauts et des bas, quand, financièrement et psychologiquement, la vie de famille est chamboulée, parce qu’on ne prend plus de vacances, par exemple.

Valérie - Évoquer votre création et les raisons de celle-ci avec votre entourage est essentiel pour qu’il y soit favorable. Si vous êtes convaincue et déterminée, il vous soutiendra et cela fait la différence, notamment dans les moments de doute.

 

Trouver un local

Isabelle - Il a fallu taper aux portes, se renseigner, visiter, trouver un endroit qui me plaise et me ressemble. Pour l’ouverture de mon second cabinet à Cysoing, j’ai dû passer outre le barrage d’une secrétaire et prendre rendez-vous avec un médecin pour proposer de partager la maison médicale dans laquelle il exerçait. Cette anecdote prouve qu’il faut oser provoquer des rencontres et rester ouvert et confiant.

 

Différentes missions : la clé du succès

Valérie - J’exerce sous trois casquettes : j’ai mon cabinet, je fais de la formation depuis six-sept ans dans différentes disciplines et dans plusieurs écoles et je suis déléguée régionale de l’école de naturopathie de Villeneuve d’Ascq.

J’ai débuté auprès des étudiants par hasard, sollicitée par une cliente, directrice d’un centre de formation. Aujourd’hui, j’interviens à l’école de naturopathie et auprès de futures esthéticiennes sociales, infirmières, aides-soignantes et pharmacien(ne)s.

En recontactant l’école qui m’a formée à Paris pour évoquer leurs éventuels besoins, la directrice m’a proposé de monter l’antenne de Lille. Si je n’avais pas pris cette initiative, cette opportunité ne se serait pas présentée. C’est ma troisième casquette.

À travers ces exemples, je témoigne d’une évolution qui se fait au fil des rencontres, mais avant tout grâce à des démarches qui ont porté leurs fruits.

 

L’importance du réseau

Valérie - Le réseau est indispensable. Dans mon parcours, énormément d’opportunités se sont manifestées au hasard des rencontres. Et, plus on multiplie les occasions de rencontres, plus on se crée des opportunités.

 

S’adapter aux aléas de débuts de parcours

Valérie - J’ai vécu un retour au salariat momentané dans mon ancien métier quand j’ai démarré mon entreprise. Je venais d’avoir ma première fille et j’avais besoin de reprendre mon souffle financièrement tout en continuant à développer le cabinet. Ce n’est pas parce que cela ne se passe pas comme vous l’aviez prévu que tout s’arrête. Il faut parfois être patient et persévérant.

Isabelle - J’ai également dû donner des cours assez mal payés et accepter des vacations dans des structures de fitness qui ne me correspondaient pas. J’ai ainsi expérimenté mon activité dans différents lieux. C’était formateur, car cela m’a permis de savoir ce que je voulais et surtout ce que je ne voulais pas. Je me suis ensuite vraiment orientée dans le bien-être.

 

Trouver ses premiers clients

Isabelle - Au début, quand il y a peu de clients, il faut se bouger et aller les chercher. Les premiers m’ont été envoyés par des médecins qu’il a fallu démarcher auparavant. Ce n’est pas le côté le plus fun du métier mais la démarche commerciale devient vite de plus en plus naturelle. Évidemment, quand on rencontre des médecins, certains sont à l’écoute et d’autres très fermés. Au démarrage, j’ai proposé des bilans nutritionnels gratuits chez mon médecin généraliste. Ils ont eu beaucoup de succès. Ma première cliente est d’ailleurs arrivée par ce biais.

Valérie - Au départ, pour être visible, je faisais des conférences et des ateliers dans des magasins bio. Comme Isabelle, j’ai également démarché des partenaires médicaux, mais c’est quand même essentiellement le bouche-à-oreille qui, aujourd’hui, fonctionne le mieux pour moi. Et puis, mes interventions auprès de groupes en formation me permettent de générer quelques rendez-vous.

 

Élargir sa clientèle pour acquérir la posture de cheffe d’entreprise

Valérie - Il est très important de mettre dans son agenda la partie « démarches commerciales ». C’est très formateur pour s’incarner vraiment en tant que professionnel. Parler de ce que vous faites à un autre professionnel permet d’habiter progressivement la posture de cheffe d’entreprise. On peut le voir comme des petits défis personnels à réussir comme un jeu qui peut devenir un plaisir au fil du temps.

 

Soigner ses prescripteurs et sa démarche commerciale

Isabelle – Il faut être reconnaissant avec les prescripteurs, ne pas hésiter à les remercier, à faire un retour ou à envoyer un compte-rendu pour entretenir la relation.

Enfin, il faut leur raconter votre façon de faire, de travailler. N’hésitez pas à mettre en avant votre particularité. Moi, mon petit plus, c’est le massage et notamment le massage bébé. Je n’en fais pas de publicité mais c’est quelque chose qui me crée une personnalité un peu différente.

Valérie - Dans les métiers du bien-être, il y a le savoir-être et le savoir-faire. Il est important d’aller se présenter et de montrer la passion avec laquelle vous exercez votre profession.

 

Présenter son projet à la presse pour toucher le plus grand nombre

Valérie - À ce sujet, j’ai vraiment eu de la chance. Sur les conseils d’Initiatives Plurielles, j’avais pris contact avec La Voix du Nord et en leur envoyant un dossier de presse. Résultat ? Une pleine page sur mon activité m’a vraiment permis de démarrer. Je dois avouer que j’avais hésité à répondre positivement à la journaliste pour cause d’indisponibilité ce jour. Il est toujours nécessaire de s’adapter et de saisir la balle au bond.

 

Concilier création d’entreprise et vie de famille

Valérie - Comme mon cabinet est chez moi, je peux témoigner de l’importance d’avoir un lieu séparé pour le travail et de faire attention à la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle au début. Très vite, sans s’en rendre compte, on répond au téléphone, on fait une vaisselle, on est happée par le quotidien et son temps de travail devient peau de chagrin. Il faut aussi souligner l’importance de s’habiller le matin comme si on allait au bureau. Il est essentiel d’adopter une posture professionnelle. Si vous avez des enfants, il convient de bien leur expliquer ce que vous faites et que vous ne pouvez pas être dérangée si vous êtes dans votre bureau. Il est important de poser un cadre et de le respecter.

Enfin, je pense qu’être indépendante me permet de concilier vie professionnelle et vie de famille, c’est une autre approche. Je suis sur des rythmes différents tous les jours, travailler de 9h à 18h, aller chercher mes enfants à l’école plus tôt et reprendre le travail après 20h.

Isabelle - Une créatrice doit être bien organisée, gérer et respecter son agenda. Même si la création permet de pouvoir mieux gérer ses temps de vie, je ne vais pas chercher mes enfants à l’école à 16h, ou exceptionnellement. Par contre, j’ai décidé de ne pas travailler le mercredi après-midi et de rentrer plus tard deux soirs par semaine. La famille le sait et l’accepte. Ce sont des choses à instaurer clairement dès le départ. La gestion de l’agenda en tant qu’indépendante, ce sont des contraintes à imposer avec une souplesse qui n’existe pas quand on est salariée. Aujourd’hui, pour moi, c’est une liberté de pouvoir gérer mon temps professionnel et familial.

 

Associer ses proches au succès de son entreprise

Isabelle - Sur le plan familial, je trouve que je suis un bon exemple pour mes filles. Elles ont découvert le cabinet avec moi. On a vraiment tout partagé : on a fait la peinture ensemble, on a fêté ensemble le premier client. Il me semble important de dire que les femmes aussi peuvent être des exemples pour leurs enfants.

 

 

les echanges avec un public desireux

 

« Combien de temps avez-vous mis pour vivre vraiment de votre activité ? »

Isabelle – Pour vraiment en vivre, je vais dire cinq ans, mais au bout de six ans, je me suis relancée dans les démarches pour créer mon second cabinet.

Valérie - Après les débuts, on peut se payer le luxe de faire des choix et décider d’arrêter certaines prestations. Quand j’ai pu me recentrer sur ce qui me correspondait le plus, quel bonheur !

Isabelle - Quand on en arrive là, on est plus zen dans notre quotidien et cela se ressent dans notre travail, dans ce que l’on donne aux patients mais également dans la conciliation des temps.

 

« Sur le plan financier, avez-vous bénéficié d’aides pour votre création d’entreprise ? »

Isabelle - Le fait de bénéficier d’une allocation chômage pendant la période d’accompagnement, qui a duré un an, a facilité l’ensemble de mes démarches jusqu’à la création. Enfin, par le biais d’Initiatives Plurielles, nous avions rencontré des partenaires financiers lors d’une formation. Il faut vous renseigner auprès d’une structure d’accompagnement, car il existe des conditions particulières, pour chaque aide.

Valérie - J’ai bénéficié d’une aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACCRE), qui correspond à une exonération de charges. Pour y avoir accès, il faut être demandeur d’emploi.

 

« Dans le cadre d’une création d’entreprise, peut-on se faire financer une formation ? »

Isabelle - Pour se former avant de créer, il faut vous rapprocher de Pôle emploi qui étudiera votre projet. C’est en fonction des situations de chacune et du besoin lié à la cohérence du projet professionnel.

 

« Pensez-vous que vos métiers sont mieux reconnus aujourd’hui ? »

Valérie - Il y a onze ans, quand je disais que j’étais naturopathe, personne ne connaissait ce métier. Aborder sa santé autrement et veiller à son hygiène de vie sont des sujets plus médiatisés depuis trois-quatre ans. Aujourd’hui, les gens vont naturellement vers un naturopathe, alors que mes premiers clients sont arrivés par le bouche-à-oreille ou suite à une communication. De plus en plus, ils ont envie de prendre leur santé en charge autrement, c’est plus confortable.

Isabelle - C’est vraiment le bouche-à-oreille qui prime. Si vous êtes convaincue, que vous travaillez bien, il devient vite important. Aujourd’hui, des médecins que je ne connais pas m’envoient des clients qui, parfois, viennent de loin. On pense souvent clientèle locale, mais si vous êtes reconnue, elle peut s’élargir géographiquement.

 

« Travaillez-vous seule dans votre cabinet ? »

Isabelle - Je travaille dans des maisons médicales. C’est un bon compromis. Je conserve mon indépendance et je partage avec d’autres professionnels.

Valérie - De mon côté, je travaille seule, puisque mon cabinet est installé chez moi. Mais je trouve mon équilibre en changeant de casquette, car, pour le volet formation de mon métier, je travaille avec des groupes.

 

« Dans vos métiers, existe-t-il des locaux partagés entre professionnels ?
Cela permet-il de réduire le coût d’un loyer ? »

Isabelle - Oui, de plus en plus. Il faut démarcher, chercher ou être à l’initiative d’une création. Un loyer pour un temps plein dans une maison médicale peut coûter entre 500 et 700 euros par mois, suivant les surfaces.

 

« Comment avez-vous vécu votre entrée dans vos nouveaux réseaux professionnels ? Avez-vous bénéficié de mutualisations aidantes ou vous êtes-vous heurtées à des réticences liées à une crainte de concurrence ? »

Valérie - On vient de se regrouper à plusieurs naturopathes pour créer Naturo’Nord, une association pour valoriser le métier de naturopathe. Ce sujet a été évoqué lors de notre première réunion. Pour ma part, je pense que l’on a tous intérêt à mutualiser nos connaissances et à être dans l’échange. Plus on sera dans le partage et plus on sera cohérent dans nos professions.

Isabelle - C’est d’ailleurs tout à fait l’esprit d’Initiatives Plurielles. Et les créatrices qu’on y rencontre ont compris l’importance, pour chacune, de l’échange, la solidarité, la coopération et la mutualisation.

Valérie - En effet, plus on donne et plus on reçoit. Maintenant que ma situation est plus confortable, je réponds aux sollicitations, si je ne peux pas, je renvoie à mes anciennes élèves ou à mon réseau.

 

« Je suis en formation à FCI où nous testons des métiers en lien avec notre projet, j'ai un savoir-faire en massage bébé et souhaiterais faire une formation dans ce domaine, avez-vous des contacts à me donner? »

 Isabelle - il serait intéressant de trouver une formation courte qui vienne valider ce savoir. Sur Paris il y a plusieurs associations indépendantes, notamment Edelweiss qui fait la promotion du massage bébé et propose des formations sur 2 jours. Pour un massage bébé, il n’y a pas de diplôme requis, l’expérience et une certification de stage suffit. Si vous êtes inscrite à Pôle emploi, vous pouvez aussi faire un stage pratique chez une professionnelle qui exerce ce métier.

 

« Pourquoi avoir accepté de devenir marraine dans le programme d’Initiatives Plurielles ? »

Isabelle - Quand Initiatives Plurielles nous a fait la demande, nous avons tout de suite accepté. Notre rôle ? Soutenir une cheffe d’entreprise qui démarre. C’est pour nous un plaisir mais aussi un échange, car cela nous permet de retrouver un collectif de femmes mais également de partager avec les marraines et d’avancer ensemble. Ajoutons aussi que l’expérience remotive. Par exemple, lorsque ma filleule m’interroge sur des sujets que j’ai abordés au démarrage de ma création, je retrouve le dynamisme de mes débuts.

Valérie - La dimension transmission de valeurs est aussi très gratifiante. C’est une façon d’évoluer ensemble et de ne pas rester sur nos acquis, la société est faite de transmission.

 

« Utilisez-vous les réseaux sociaux pour développer votre entreprise ? »

Valérie - Pas à titre professionnel. En revanche, une de mes anciennes élèves propose des séjours bien-être en naturopathie sur les réseaux sociaux et obtient de bons retours clients.

 

« Quelles recommandations pourriez-vous faire aux futures créatrices ? »

Isabelle - Écouter ses envies, aller de l’avant et surtout se faire accompagner et se mettre en réseau.

Valérie - Parfaitement d’accord. J’ajouterai rester centrée sur ce que vous voulez vraiment malgré les aléas de la vie. Cela aide à surmonter les obstacles.

 

4 juin 2015

Visite au 64 de Lille

 

Avant la présentation d’AGG, intervention de Fatiha Legzouli d’Initiatives Plurielles, de Sandrine Danno d’Autonomie et Solidarité et de Julien Fortin de la Caisse Solidaire.

 

 

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Ann Gisèle Glass, créatrice de la boutique AGG et cofondatrice du 64 de Lille, ouvre au public les portes de ce concept store axé sur le commerce équitable, le développement durable et les produits bio. Accompagnée de Valérie Sergetier, vice présidente d’Artisans Du Monde Lille, elle présente son parcours et échange avec les personnes présentes sur les différentes facettes de son métier d’entrepreneur. Près de 30  femmes assistent à la visite.

 

Un tournant radical dans la carrière professionnelle

J’ai eu une première partie de vie qui n’avait rien à voir avec ce que je fais aujourd’hui puisque j’étais comédienne. J’ai tourné dans une centaine de films français et étrangers. C’est comme ça que j’ai gagné ma vie pendant 35 ans. J’ai commencé très jeune. Et à 40 ans je me posais beaucoup de questions, le métier avait beaucoup changé, nous étions devenus des gens qui vendaient du coca plutôt que des gens avec de vrais projets artistiques. Ca m’a fatigué, j’ai décidé de faire autre chose.

 

Un intérêt précoce pour le commerce équitable

Je suis de parents étrangers, je suis devenue française. J’ai passé les 10 premières années de ma vie en Afrique de l’Ouest. Mon père est médecin et il a été engagé par le gouvernement français pour enrayer une épidémie de choléra. J’ai eu un parcours de vie très particulier, j’ai vécu dans des endroits incroyables, j’ai vécu des expériences extraordinaires. C’est pour ça que je me suis tournée vers le commerce équitable, c’est ce que j’avais envie de faire. En 2005, il y avait Artisans du Monde qui faisait déjà du commerce équitable depuis longtemps partout en France et il y avait toute une mouvance de jeunes entrepreneurs qui commençaient à fabriquer des filières de commerce équitable avec des objets différents.

 

Un virage vers la création d’entreprise

Vers 40 ans, j’ai décidé de changer de métier, de mettre tout l’argent que j’avais gagné dans ma vie – et j’en avais gagné beaucoup – au service de cette idée là. J’ai crée un magasin qui s’appelle AGG qui a ouvert ses portes tout début 2006 rue Saint Sébastien dans le Vieux Lille. C’était un magasin très grand qui faisait 300m2 et qui avait la spécificité d’être conçu comme une maison : vous rentriez par le salon, ensuite il y avait la cuisine, la chambre, la salle de bain… Mon idée, c’était de montrer que dans toutes les pièces de la maison, on pouvait être uniquement en commerce équitable. Pour sa conception, j’ai travaillé avec les gens de mon métier – les décorateurs de cinéma – et nous avons crée un magasin complètement atypique.

 

Se préparer à devenir entrepreneur

Lorsque j’ai décidé de créer cette première entreprise, je ne venais pas du tout du métier, j’étais une femme, j’avais 3 enfants, j’étais comédienne, en gros tout ce que n’aime pas un banquier ! Pour créer AGG j’ai donc pris des cours à la BGE. J’ai appris le B.a.-ba du métier d’entrepreneur et parallèlement à ça j’ai également pris des cours à la CCI. C’était deux manières différentes d’approcher le métier d’entrepreneur. A la CCI on est plus dans les grosses entreprises et à la BGE j’étais plus axée sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Ca m’a pris deux mois de cours. Pour apprendre, j’ai bénéficié d’aides de l’état. Merci l’Etat Français !

 

Le contenu du projet AGG

Dans mon projet AGG, j’avais conçu mon magasin pour les particuliers et aussi pour les professionnels. Ces derniers pouvaient venir, acheter à des prix différents et revendre ensuite. Ils travaillaient avec des boutiques en Belgique, en Suisse et en France. Une partie du projet était aussi consacrée à l’explication de ce qu’était le commerce équitable auprès de toutes les institutions régionales, les mairies, etc. Nous avions donc 3 activités. Lorsque j’ai commencé, nous étions deux et à la fin, nous étions sept. Dès le démarrage d’AGG j’avais l’idée de créer une plate-forme avec l’ensemble des gens du NPDC qui faisaient du commerce équitable. C’était trop tôt. Ca n’a pas intéressé les autres entreprises donc j’ai continué mon chemin toute seule.

 

Trouver les interlocuteurs adéquats pour financer le projet

J’ai été financée par les Cigales, par Autonomie & Solidarité, par la caisse solidaire. Il ne s’agissait que de structures de l’ESS. C’était important pour moi parce que ça correspondait à mon projet. Je n’ai fait appel aux banques traditionnelles que plus tard. Il y avait aussi la NEF dans mon premier projet. Et j’ai également demandé des prêts par le biais de la CCI à des structures d’aide qui sont spécifiques au NPDC et qui ne sont absolument pas dans l’ESS. Je reste le projet atypique, un peu à part, dans tous ceux qu’ils ont financés. Le fait d’avoir été à la CCI m’a ouvert des portes auxquelles je n’avais pas pensé. Ca m’a crée des réseaux que je n’aurais pas pu avoir autrement.

 

La création du 64

En 2007 j’ai eu un accident très grave. J’ai passé un an à l’hôpital. Ce sont mes salariés qui ont fait vivre l’entreprise à ma place. Je les remercie encore aujourd’hui. Quand je suis revenue certaines choses s’étaient très bien passées, d’autres moins bien. Il a fallu changer mon fusil d’épaule. C’est à ce moment là que j’ai voulu reprendre mon projet de départ qui était de créer un grand magasin où il y aurait tous les acteurs du NPDC concernés par le commerce équitable et bio. Parallèlement à cela Ignace Motte et Maïté Bigot qui travaillaient pour Artisans Du Monde m’ont approchée en me proposant qu’on mette en commun nos compétences. C’est ainsi que nous avons crée le 64 sous forme de SIC (Société coopérative d’intérêt collectif) le 1er décembre 2011. Le 64 a été crée par Artisans Du Monde Lille, AGG et une autre structure, la souris verte, qui n’existe plus à l’heure actuelle.

 

Un partenariat entre AGG et Artisans du Monde

Je m’appelle Valérie Sergetier, je suis vice présidente des Artisans Du Monde Lille. A ce titre, j’ai rejoins Ann Gisèle dans la gestion de la coopérative depuis environ 1,5 ans. J’ai un parcours beaucoup plus classique par rapport à l’entreprise. J’ai fait un Master of Business Administration aux USA et après j’ai travaillé dans des grandes entreprises. Par exemple, j’ai été chef de produit chez Leroy Merlin pendant plus de 11 ans. En termes de connaissances, d’apprentissage commercial, je maitrisais les bases. Dès fois, ça peut aider mais d’autres fois non parce que la formation déforme et l’intuition informe !

 

La création en Société coopérative d’Intérêt Collectif (SIC)

Valérie Sergetier - C’est une entreprise qui a pour mission de faire une activité qui présente un caractère d’utilité sociale et qui le fait de manière collective, ce qui correspond tout à fait au 64. Quel est l’intérêt de monter une SIC ? Il y a plusieurs avantages : Le multipartenariat (on peut avoir à l’intérieur du capital des associations, des particuliers, des banquiers, des acteurs de l’ESS, des collectivités), le fait qu’une personne égale une voix, le fait qu’on puisse être dirigeant en gardant un statut de salarié ce qui est rassurant. L’inconvénient principal c’est qu’il faut beaucoup d’ingénierie pour  monter une SIC, il faut définir les statuts ce qui est très compliqué. Après, dans la vie de l’entreprise, ça demande des points de rencontre fréquents. On doit rendre des comptes à un comité de surveillance tous les trois mois et à une Assemblée Générale. L’aspect positif du collectif c’est la mutualisation des compétences et l’aspect négatif c’est que la prise de décision peut être plus lente que dans une entreprise classique.

 

Une SIC pour optimiser les potentialités et rompre la solitude

Je trouve que c’est intéressant de mutualiser les compétences. Le premier magasin que j’ai crée, c’était une SARL et j’étais seule. C’était à moi de gérer, il n’y avait jamais personne à qui je pouvais poser une question. A l’intérieur de ce système coopératif, on est à plusieurs. C’est moi qui mène le bateau mais je propose et on discute, on pense, on réfléchit ensemble. Ca va moins vite que si j’étais seule mais l’avis des autres est vraiment important, enrichissant et me permet d’aller plus loin.

 

Croire en son projet et savoir le valoriser auprès des partenaires

Valérie Sergetier - Le 64 a été crée avec le financement de banquiers et de non-banquiers. Nous avons également eu de l’argent de coopérateurs c'est-à-dire de particuliers, d’associations qui nous ont aidés. Quand on recherche un financement, on se rend compte que c’est important d’avoir un plan de financement qui tient la route, mais ça ne suffit pas. Ce qui est essentiel, c’est la relation humaine du porteur de projet vis-à-vis du banquier. J’ai assisté à des entretiens où Ann-Gisèle présentait le projet et il est certain que si nous avons obtenu autant à la création du 64 c’est parce qu’elle était dynamique, elle était convaincue et elle portait son projet par le haut, avec une vision haute des affaires. Il faut prendre du recul, se positionner.

 

La première installation du 64 dans un local éphémère

Le 64 est né en novembre 2011 et s’est installé dans un local éphémère. A l’époque le lieu s’appelait la ferme du Sart, maintenant il s’agit de O’tera du Sart. Notre ambition de départ était de nous installer à Lille mais c’était impossible car trop cher. Nous avons donc cherché ailleurs et nous avons trouvé cet endroit qui était l’ancien local de Kbane. Nous trouvions que ça nous correspondait bien puisque l’idée de Kbane était de faire du bricolage différemment avec d’autres matériaux. Et nous étions aussi attirés par le fait que la ferme du Sart brassait une très large population.

 

Le chiffre d’affaire du 64 en trois pôles distincts

Le chiffre d’affaire du 64 est généré par trois pôles. Le premier pôle ce sont les fondateurs : Artisans du Monde, AGG et autrefois une souris verte. Ils  versent un pourcentage de leur chiffre d’affaire au 64. Le deuxième pôle vient des caissons que nous avons ici. Et en fait, ces caissons, nous les proposons à des partenaires. Ce sont des entreprises ou des associations du NPDC qui sont spécialisées dans le commerce équitable, le bio et/ou le développement durable. Nous leur proposons de vendre leurs produits, de faire leur communication, de tout gérer. Ils ont juste à mettre leur stock en échange de quoi nous leur demandons une quote-part. Le troisième pôle c’est la restauration. Il y a un salarié dédié à la table du 64. Tout est fait sur place, les produits sont achetés par le 64 et l’intégralité du chiffre d’affaire de la table du 64 revient au 64.

 

Le 64, bien plus qu’un magasin : un concept store

Valérie Sergetier – Le 64, c’est un concept store, c'est-à-dire qu’on peut très bien imaginer passer une journée dans le 64. A faire quoi ? A se promener dans les rayons, à acheter les produits de développement durable, ça c’est le côté magasin. On peut se restaurer sur place. On peur échanger des livres via le biblio troc, on peut participer à des ateliers divers et variés, on est jeune maman, on a des ateliers portage, on a envie d’écrire, on a des ateliers d’écriture. C’est un lieu de vie. Ce n’est pas le magasin où vous rentrez, vous achetez, vous payez. Ce n’est pas ça du tout. Y compris dans l’accueil que l’on fait à nos clients, il nous parait fondamental d’avoir un accueil qui soit personnalisé et moins commerçant. Beaucoup de gens sont étonnés par un simple « bonjour » et « bienvenu ».

 

Un projet qui s’adapte avec l’expérience du quotidien

Suite au décès d’un collaborateur, le restaurant n’a pas pu ouvrir tout de suite. Il s’agit quand même d’un des piliers de notre chiffre d’affaire donc ça nous a vraiment manqué. En plus de ce que je faisais déjà, c’est moi qui ai pris en charge la partie restauration. La surcharge de travail a fait que j’ai craqué. Je suis tombée malade. J’ai été absente pendant un peu plus d’un an. La partie restauration qui venait de commencer s’est tout de suite arrêtée. Les deux premières années ont été plutôt compliquées. J’avais demandé à quelqu’un de me remplacer. Cette personne a remis à plat un certain nombre de choses. Du coup, entre la formule de départ et celle que vous voyez aujourd’hui, il y a eu plein de réajustements. Il y a des gens qui sont partis, d’autres qui sont venus. Ca a beaucoup évolué.

 

Concilier son projet de création d’entreprise avec son entourage familial

J’ai des enfants dont il faut que je m’occupe. J’ai également un mari. Et cette entreprise, ça prend beaucoup de temps. Eux aussi sont impactés par ce que je fais. Mon mari est venu nous aider à déménager, nos enfants viennent régulièrement nous aider ici en période de vacances. On ne parle que de ça, on ne pense qu’à ça, ça impacte beaucoup leur vie. Quand on crée une entreprise, il ne faut pas oublier de prendre en compte cette dimension et il est important de bien vérifier que le conjoint et les enfants soient d’accord pour faire partie de l’aventure, parce qu’ils vont en faire partie qu’ils le veuillent ou pas. On y met notre cœur, notre esprit, notre énergie et c’est tout ce qu’on ne leur donne pas à eux alors qu’ils en avaient peut-être l’habitude avant.

 

2015-05-21 - Visite Initiatives Plurielles - 64 de Lille

les echanges avec un public desireux

 

« Pourquoi avoir choisi le nom « 64 » ? »

1964 est l’année où a été crée Max Havelaar qui est un des labels certificateurs du commerce équitable. C’est aussi l’année où Oxfam a crée sa première filière en artisanat entre l’Inde et l’Angleterre. En fait c’est la naissance du commerce équitable tel qu’on le connait et qu’on le pratique aujourd’hui. Voilà pourquoi on s’appelle 64. Nous nous sommes appelés pendant 3 ans le 64 du Sart parce que nous étions installés au Sart à Villeneuve d’Ascq et maintenant nous nous appelons le 64 de Lille parce que nous sommes à la galerie des Tanneurs à Lille et si nous changeons d’espace, nous prendrons un autre nom mais ce sera toujours le 64 !

 

« Pourquoi toujours conserver ce même nom malgré les changements de lieu ? »

Pour nous c’est fondateur. Nous sommes vraiment axés autour du commerce équitable même si nous avons aussi une partie bio et développement durable. C’était important d’affirmer dans notre nom notre attachement et la naissance du commerce équitable c’est justement ce à quoi nous nous rattachons.

 

« Pourquoi êtes-vous parties de Villeneuve d’Ascq pour venir ici, à Lille ? »

Dès le départ, quand nous avons envisagé le 64, nous voulions l’installer autour de la Grand Place à Lille mais les loyers étaient exorbitants. Je ne pense pas que nos amis d’Autonomie et Solidarité auraient pu nous donner un million d’euros pour commencer ! En plus, nous étions les premiers magasins de ce type, il fallait faire nos preuves. Nous les avons faites dans un endroit où on nous a accueillis sans nous faire payer de droit au bail avec des conditions qui étaient très avantageuses par rapport au local, à la fréquentation et ainsi de suite. Il était convenu de ne rester que trois ans.

 

« Pensez-vous qu’il soit possible de créer sans avoir de gros apports personnels au démarrage ? »

Après avoir crée AGG, j’ai aidé des gens à ouvrir leur magasin rue Saint Sébastien parce que tous sont venus me voir. J’ai rencontré plein de personnes différentes dont certaines qui n’avaient rien du tout. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’apport personnel qu’on n’arrive pas à monter son projet. C’est ce que j’ai pu constater durant ces 10 dernières années. Certes, ce sera plus difficile, mais ce n’est pas mission impossible.

 

« Le 64 de Lille est-il réservé à une clientèle privilégiée ? »

Nous sommes une entreprise, nous avons une obligation de réussite. Nous devons payer l’ensemble de nos charges, nos prêts, notre loyer, nos salariés. Nous devons donc vendre en une certaine quantité sinon c’est la fermeture. Par contre, au sein d’AGG, mon entreprise, j’ai toujours eu deux gammes de produits dont une qui est très peu chère. Pourtant, je fais du commerce équitable, c'est-à-dire que je n’achète pas mes produits au rabais. Par exemple, j’ai des bijoux à 4,90 euros et la marge est minime. Il n’est pas possible de descendre en dessous de ce prix. Parallèlement, l’idée d’échanger des livres, c’est aussi pour les gens qui n’ont pas d’argent. Ils ont forcément un livre chez eux. Ils prennent leur livre, ils l’amènent ici et ils en prennent un autre.

 

Réponse d’une personne du public  Parfois il y a des préjugés, on croit qu’une femme ne peut pas créer son entreprise, mais on est en train de démontrer que c’est possible. On se met souvent des freins.

Et puis, quant à la fréquentation du lieu, pourquoi quelqu’un qui n’a pas d’argent ne viendrait pas lire un livre ici ? Je sais que ce n’est pas toujours évident, que peut-être on se dit « ce n’est pas pour moi ». Mais je pense que quelqu’un qui n’a pas d’argent peut venir ici boire un café, lire un livre....

 

« Comment travaillez-vous avec vos fournisseurs ? »

Nos partenaires sont des gens qui nous démarchent ou que nous allons chercher parce que nous trouvons qu’ils ont un concept ou un produit intéressant. Le premier critère est toujours le même : commerce équitable ou développement durable ou bio, certifié. L’intérêt de travailler avec des partenaires, c’est de pouvoir avoir des gammes larges sur des niches sur lesquelles on ne saurait pas se positionner. Nous allons chercher des leaders sur des niches et ils s’installent ici comme par exemple l’entreprise « les petits dessous » qui produit des couches lavables. Les valeurs de l’entreprise doivent aussi correspondre à nos valeurs, il n’y a pas que le produit qui importe.

 

« Vous faites un bénéfice quand vous mettez un caisson à disposition d’un partenaire ? »

Non. Pas vraiment. L’entreprise paie ce que coûte l’espace au 64. On ne fait pas de marge dessus. Nous savons que nos charges sont de 12000 euros par mois, c’est divisé par le nombre de caissons. Chaque mois coûte tant. Dans le prix vous avez le téléphone, l’électricité, les salariés, etc. Ce n’est pas une location, c’est une participation au lieu. Et chaque nouvelle entreprise ou association qui entre dans ce lieu devient un actionnaire du 64 et à ce titre a les mêmes droits que tout le monde puisque une part = une voix.

 

« Comment vous faites-vous connaitre auprès des clients ? »

Nous sommes à la galerie des tanneurs. Nous avons indiqué « bio et équitable » sur la devanture mais c’est récent. Avant on ne communiquait pas à l’extérieur là dessus. Je ne suis pas sûre que ça fasse entrer plus de gens d’ailleurs. Ca pourrait même être un frein parce qu’on se dit que c’est un endroit où il y a des produits onéreux, immettables, trop artisanaux. Le bio et l’équitable véhiculent encore des préjugés dans un périmètre très large. Ce qui est important pour nous c’est ce que nous faisons et nous n’avons pas envie que les gens achètent pour se donner bonne conscience, nous voulons qu’ils achètent parce qu’ils aiment nos produits, parce qu’ils trouvent le rapport qualité/prix intéressant.

 

« Communiquez-vous sur les réseaux internet ? »

Nous avons un compte facebook, un blog, il parait que nous avons aussi un twitter et nous envoyons des newsletters de façon un peu sporadique. Mon étude de marché avait révélé que les gens n’avaient pas envie d’être inondés par ce genre de choses. On n’achète pas d’adresses mail, celles dont nous disposons appartiennent aux personnes qui sont déjà venues dans le magasin et elles sont gérées en interne. C’est moi qui le fait, toute seule, pour être bien sûre qu’elles ne partent par n’importe où.

 

« Est-ce que l’affaire fonctionne, gagnez-vous de l’argent ? »

C’est le nerf de la guerre ! Il y a beaucoup de bénévoles qui travaillent ici et il y a trois salariés. On ne pourrait pas fonctionner sans les bénévoles. Bien sûr, ils ne travaillent pas 35h/semaine. Mais ils sont essentiels. C’est aussi lié au fait que nous avons des marges très faibles.

 

« Cet univers du naturel, du bio, comment évolue-t-il aujourd’hui ?
Vous sentez qu’il y a des projets qui parviennent à émerger ou pas ?
 »

Valérie Sergetier – Nous sommes sur un marché qui est en phase de décollage donc forcément il y a beaucoup d’entreprises qui se créent et toutes ne vont pas survivre. C’est pour ça qu’il faut que le projet soit bien défini au démarrage. Ca implique de relire quelle est la demande du client, quelle est l’offre qui existe sur le marché de manière assez large. Par ailleurs, quand on écrit le projet, il faut penser au « point de minage ». Ann-Gisèle vous a dit qu’elle avait été malade, ça c’est un point de minage. Qu’est-ce qui va se passer pour mon projet si je tombe malade ? Si mon mari perd son job ? Ce sont des points de minage. A l’origine, ce sont les endroits des ponts dans lesquels on doit mettre les explosifs pour les détruire. Pour un projet c’est donc ce qui peut le faire exploser. Le mieux, plutôt que de les subir, c’est d’essayer de les anticiper au maximum.

 

« Qu’est-ce qui vous a amené à quitter le métier de comédienne ? »

D’abord je l’ai fait 35 ans, c’est une bonne partie de ma vie. J’ai commencé très jeune, j’avais 12 ans. Et le métier que j’avais choisi à l’époque n’est plus celui que j’ai exercé à la fin de ma carrière. Je faisais de la télévision et j’étais uniquement employée pour vendre du coca ! On s’en foutait de ce que je jouais, des rôles que j’interprétais, ce qui importait c’était la pub qu’il y avait avant et après l’émission. Ce n’est pas ça que je voulais faire comme métier. Ce n’était plus le métier que j’avais voulu exercer au démarrage. Je n’ai aucune envie de recommencer.

 

« Aujourd’hui, êtes-vous satisfaite de vos choix professionnels ? »

Créer des entreprises, ça a changé ma vie ! J’ai été une personne assez peu en contact avec la vie réelle. Je vivais dans mon monde à moi, un peu à l’écart des autres. Créer des entreprises m’a appris tellement de choses sur moi-même, sur comment m’intégrer à la vie de mes concitoyens et concitoyennes. Si parfois ça a été vraiment difficile, il y a également eu des moments extraordinaires. Ca n’a pas été rose tous les jours mais je ne regrette pas du tout ce que j’ai fait. Je pourrais aujourd’hui décider de redevenir comédienne et je n’en ai pas du tout envie. Je le fais encore de temps en temps pour mes copains mais je n’ai plus du tout envie de m’investir là dedans. Par contre, j’étais quelqu’un qui gagnait bien sa vie et je gagne beaucoup moins maintenant. Mais je suis plus heureuse dans ce que je fais !

 

23 avril 2015

Visite chez Meatballs

 

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Laureen Marquer, créatrice du Basilic Café et plus récemment de Meatballs, ouvre au public les portes de son nouveau restaurant qui vient de recevoir le prix de l’innovation. Elle présente son parcours et échange avec les personnes présentes sur les différentes facettes de son métier d’entrepreneur. Plus de 25  femmes assistent à la visite.

 

Historique du Basilic Café et naissance du Meatballs

J’ai 44 ans et j’ai deux enfants qui sont petits. Je suis mariée, je travaille avec mon mari. J’ai crée en 2002 un premier restaurant rue du pont neuf à Lille qui s’appelait le Basilic Café. Nous l’avons crée à 4. Mon mari était en cuisine, j’étais en salle et nous avions un cuisiner et une apprentie salle qui faisait le service avec nous. Le Basilic Café a été déplacé rue esquermoise en 2011 pour les 10 ans du restaurant. Il est désormais beaucoup plus grand. Il y a 150 places et 15 personnes y travaillent. L’ancien Basilic Café est quant à lui devenu le Meatballs.

 

Le goût de l’innovation

Nous avons souhaité faire autre chose parce que nous sommes des entrepreneurs et nous aimons créer de la nouveauté. Quand on gère un produit, on peut suivre les tendances ou on peut innover et nous, nous préférons innover. En 2002, avec le Basilic Café, nous avions amené les premiers burgers, les premiers brunchs à Lille et cette fois, nous nous sommes dit : « les boulettes, c’est génial ! » Nous avons flashé sur l’idée donc nous avons crée un nouveau restaurant où on fait des boulettes.

 

Le parcours avant la création

J’ai fait une école hôtelière et ensuite deux années de gestion. Dans mon expérience personnelle, j’avais plutôt un parcours de créatrice d’entreprise puisque j’ai ouvert des hôtels et des restaurants pour d’autres avant de le faire pour moi-même. Mais j’avais aussi un bagage technique puisque j’avais fait trois ans d’école hôtelière et j’ai un BTS en hôtellerie-restauration.

 

De l’envie de créer son entreprise

Comment ai-je décidé d’être entrepreneure ? Depuis que je suis sortie de l’école, j’ai été à chaque fois recrutée sur des projets d’ouverture. Je pense que je porte en moi l’envie d’aventure et quand on veut être chef d’entreprise, quand on veut rouler pour soi, il faut aimer l’inconnu et avoir ce coté aventurier parce qu’on ne sait jamais ce qu’il va se passer dans une journée. On a un planning, mais il y a des inconnues et il faut s’adapter en permanence. C’est le côté agréable de mon quotidien : je ne connais pas la routine.

 

Aux prémisses : la naissance de l’idée

Je ne suis pas lilloise, mon mari a été muté ici. Quand on est arrivé, nous avons observé le marché et nous avons trouvé qu’il était assez traditionnel. Dans tous les restaurants, on trouvait des plats en sauce, des frites. Nous avions aussi envie de trouver d’autres choses : des légumes, des salades, etc. Du coup nous nous sommes dit qu’il y avait peut-être un créneau à prendre, qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. J’ai mis deux ans à trouver ce lieu, à faire mes travaux et à m’installer. J’ai commencé à travailler sur mon projet en 2000.

 

La recherche du local

Quand vous cherchez un local, ça peut prendre du temps, parce qu’il faut trouver le bon emplacement, le bon prix, l’espace qui va convenir… Comme je ne travaillais pas puisque j’avais quitté mon emploi précédent pour suivre mon mari à Lille, je bénéficiais de l’allocation chômage. J’avais donc du temps pour me balader et chercher par moi-même. J’ai commencé à arpenter les rues. Je me souviens, je suis arrivée ici, il faisait très beau et froid et l’endroit était inondé de soleil. J’ai pensé que c’était génial, que j’allais pouvoir faire une terrasse dans cette cour et j’ai décidé de le prendre. Auparavant, il s’agissait de bureaux. La façade n’était pas percée, on entrait par le porche, la cour c’était des parkings. Mais je sentais que je pouvais créer quelque chose de sympa.

 

Un investissement personnel important au démarrage

Mon mari travaillait avec un cuisinier qu’il connaissait déjà depuis de nombreuses années puisqu’il l’avait débauché de son ancien emploi. Moi j’ai pris la salle avec une jeune femme qui m’aidait et qui est restée avec nous  jusqu’à la fin de sa formation. Au départ c’était compliqué, nous n’avions pas l’argent pour installer la terrasse, donc dès qu’il faisait beau on prenait les tables et on les sortait. Les gens mangeaient dehors. Le soir, on les rentrait. Nous étions là 7 jours sur 7. Nous étions dans le restaurant 9h par jour et après il fallait travailler sur tout ce qui relevait de l’administratif. Petit à petit nous avons capté de la clientèle, nous avons commencé à gagner de l’argent, nous avons fait construire la terrasse et le public adhérant à notre projet, nous avons commencé à recruter aussi.

 

Bien définir son produit : plaire aux clients sans trahir son idée de départ

Quand on crée un produit, on s’imagine qu’il va plaire au public. Et au fur et à mesure du temps, on s’aperçoit qu’il faut apporter des modifications, qu’il faut ajouter des choses qu’on n’avait pas trop envie de faire au départ mais qui vont plaire. On adapte notre produit pour répondre à la demande. Il faut quand même faire attention à garder sa ligne. Par exemple, si vous décidez de ne pas faire de frites - ce qui était notre cas – c’est qu’il y a des raisons à cela. Donc est-ce qu’il faut s’y tenir ou est-ce qu’il faut procéder à des adaptations en fonction des demandes ? Ce sont des choix qui méritent réflexion. Il faut essayer de trouver la clientèle adaptée. Nous, nous avons tenu malgré le fait que certaines personnes tournaient les talons en apprenant que nous ne faisons pas de frites.

 

Savoir ajuster son produit de départ quand c’est nécessaire

Nous avons tout de même effectué des adaptations. Par exemple au niveau des vins, nous avions une carte très réduite au départ : deux vins rouges, deux vins blancs, deux vins rosés. Nous nous disions : on est ouvert à midi, donc on va rester sur une carte très courte, à midi les gens ne boivent plus de vin à table, ils repartent travailler donc ce n’est pas la peine de développer cet aspect là. Et puis, avec la pratique, nous nous sommes aperçus que les gens nous demandaient des verres de vin et que notre carte était peut-être un peu trop réduite. Nous avons alors augmenté notre choix, mais pas trop non plus. Nous sommes partis sur des choses plus originales avec des vins étrangers. Il faut donc être capable d’adapter vos produits tout en gardant votre ligne directrice, l’image et l’ambition du produit que vous créez et que vous décidez de mettre en place.

 

Après le Basilic Café : une envie de lancer autre chose

Avec le temps, nous avons développé une activité traiteur. Nous avons commencé à produire et livrer des plateaux repas aux entreprises. Nous avons eu envie d’agrandir le Basilic Café en ouvrant un plus grand restaurant rue esquermoise. Ici, rue du pont neuf, nous étions ouvert depuis 12 ans, nous avions des travaux à faire, du carrelage à poser, du matériel à changer. La question s’est posée : est-ce qu’on redonne un coup de jeune au Basilic Café ou est-ce qu’on crée autre chose ? Nous sommes entrepreneurs et nous savions qu’il y avait plein de choses qui n’existaient pas à Lille. Nous avons commencé à regarder les tendances culinaires qui fonctionnaient bien dans les autres capitales du monde, dans les études qui peuvent être faites dans notre corps de métier par les cabinets de conseil, et petit à petit nous avons imaginé plein de produits. Nous nous sommes dit que la boulette c’était génial parce qu’on aime la cuisine du monde, la cuisine maison et il n’y a qu’en France qu’on n’en mange pas.

 

Le meatballs, un concept novateur

Les boulettes, ça fait peur à tout le monde en France ! Nous avons beaucoup voyagé et partout dans le monde, on consomme des boulettes. En France, on consomme des farces. C’est la même chose sauf que les autres pays en font des petites boules qu’ils cuisent : vapeur, friture ou rôties. Nous n’avons pas osé mettre le mot « boulette » dans le nom de notre nouveau restaurant. Quand nous avons ouvert il y a un an, nous avons préféré adopter le terme anglais de « meatballs ». Nous sommes trois restaurants en France à faire des boulettes. Nous avons ouvert à peu près en même temps. Nous avons eu tous les trois la même idée au même moment, mais nous la mettons en pratique différemment. Nous concernant, nous sommes allés chercher des recettes du monde entier. Nous avons d’ailleurs reçu un prix de l’innovation la semaine dernière à Paris qui récompense des concepts s’accrochant aux tendances actuelles de la consommation en restauration.

 

Un travail de conceptualisation important avant le lancement

Nous avons commencé à travailler sur ce produit et nous nous sommes demandés comment amener les clients à venir le consommer. Tout ça se définit lors de l’étude de marché. Nous avons travaillé au moins 6 mois sur la conceptualisation. Mon mari élaborait les recettes et ensemble on travaillait sur l’image du produit. Nous nous demandions comment donner une image noble à un produit qui est un produit de fastfood. Nous nous sommes dit que c’était la même chose pour le burger au démarrage.

 

Obtenir l’aval du banquier pour lancer un nouveau concept

Nous sommes allés voir notre banquier et nous lui avons demandé : acceptez-vous de nous prêter de l’argent pour faire complètement autre chose au Basilic Café ? Nous étions dans une situation atypique puisqu’on allait le voir avec un établissement qui fonctionnait en lui disant que nous voulions tout arrêter et faire autre chose. Le banquier nous a répondu qu’il était d’accord et qu’il nous suivait. Nous étions très contents. Bien sûr, nous avions un historique avec lui, nous avions déjà fait nos preuves mais nous sommes quand même tombés sur quelqu’un qui nous a fait confiance sur de l’innovation pure. Dans nos métiers de la restauration comment innover à part en créant un autre lieu avec un autre produit à la carte ? Notre banquier nous a permis d’innover et de faire autre chose. Il nous a prêté l’argent pour faire les travaux nécessaires.

2015-04-02 - Visite Initiatives Plurielles - Meatballs

 

les echanges avec un public desireux

 

« Aujourd’hui, votre nouveau restaurant fonctionne-t-il bien ?
Avez-vous déjà des retours positifs ? »

Nous sommes contents parce que les gens reviennent, nous avons des retours positifs, notre fréquentation augmente. Nous avons baissé nos prix par rapport au Basilic Café donc il fallait forcément augmenter notre fréquentation parce que les charges sont les mêmes : même local, même loyer, même salariés. Nous n’avons pas voulu licencier sous prétexte qu’on ouvrait autre chose. Nous n’avons pas encore récupéré le chiffre d’affaires du Basilic Café mais nous y arrivons petit à petit.

 

« Comment fonctionne le nouveau Basilic Café de la rue Esquermoise ? »

Quand nous avons ouvert le restaurant de la rue esquermoise en 2011, nous avons eu un problème de fréquentation. Nous n’avons aucune vitrine ce qui a été un véritable souci. Niveau marketing, nous nous sommes focalisés là-dessus. Aujourd’hui le restaurant fonctionne très bien mais il nous a fallu deux ou trois ans pour y arriver juste parce que le cadre était différent. Les recettes étaient les mêmes, mes cuisiniers sont allés là-bas, nous achetons les mêmes produits et pourtant on me disait : vos burgers ne sont pas identiques ici et dans l’autre restaurant. Dans ce métier, il y a beaucoup de facteurs extérieurs qui jouent sur les sensations des clients concernant le contenu de leur assiette.

 

« A une époque, au Basilic Café, vous proposiez des « cafés poussettes »,
qu’en est-il aujourd’hui ?
 »

Nous avons toujours communiqué de façon décalée. Nous n’avons pas de budget publicitaire. Je passe beaucoup de temps à créer des évènements dans mes établissements : si les gens rentrent, ils vont forcément avoir envie de revenir ! Un jour on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de poussettes dans le restaurant, beaucoup de femmes enceintes et on s’est dit qu’on devait faire quelque chose en rapport avec ça. Nous avions lu un article sur des cafés poussettes qui venaient d’ouvrir à Paris. Nous en avons discutés, nous nous sommes dit que l’après midi, après le service, on disposait du temps nécessaire. Donc effectivement, nous avons crée cette activité en complémentarité avec le reste. La presse nous a suivis, nous avons eu beaucoup d’articles qui ont parlé du phénomène. Mais ça représentait un gros investissement en termes de temps et j’ai été contrainte d’y mettre fin quand je suis moi-même tombée enceinte.

 

« Comment avez-vous réussi à concilier votre grossesse avec la gestion de l’entreprise ? »

J’ai délégué. J’ai la chance que mes grossesses se soient bien passées donc j’ai travaillé jusqu’au bout. J’ai repris 4 semaines après les accouchements. Je reprenais à temps partiel. Mais on ne peut jamais s’arrêter complètement, notamment quand on a entre 12 et 25 personnes à gérer. Je n’ai pas pu déléguer tout mon travail. Je n’ai pas pu déléguer ma multi-casquette de cheffe d’entreprise, par contre j’ai délégué le service. J’avais embauché une nouvelle serveuse à temps partiel qui était là durant mon congé maternité et aussi durant ma grossesse parce que je voulais préserver ce moment et je ne pouvais plus forcément courir autant qu’avant.

 

« Aujourd’hui vous êtes gérantes de deux établissements :
comment partagez-vous votre temps professionnel et familial ? »

Ma vie de maman était plus simple quand il n’y avait qu’un seul restaurant fermé le soir, je ne vous le cache pas ! Aujourd’hui nous avons deux restaurants ouverts 7 jours sur 7, midi et soir. Donc il faut déléguer Mon mari travaille avec moi. On arriver à se relayer. De temps en temps, il y a un évènement important et c’est une baby-sitter qui s’occupe des enfants mais en général, le soir c’est soit moi, soit mon mari qui est à la maison. Le week-end, on essaie de se préserver une journée tous ensemble et le reste du temps, on jongle ! Au Meatballs, on est en phase de lancement, donc je suis très présente pour expliquer le produit, fidéliser la clientèle. C’est nécessaire que la personne qui a crée le concept soit là. On se rend au Basilic Café de façon ponctuelle parce que c’est l’équipe qui gère le quotidien. Nous avons le rôle de managers.

 

« Comment votre mari et vous organisez-vous votre travail en tant que gérants ? »

Mon mari et moi, nous avons chacun nos domaines d’activité. Il faut qu’on sectorise les tâches pour que ça se passe bien. Il y a des choses sur lesquelles il a complètement la main et inversement, il y en a d’autres que je gère. Nous nous sommes donné des droits de véto. S’il veut mettre à la carte une boulette d’agneau et que je ne suis pas trop d’accord mais qu’il a pris la décision, alors il va le faire. Si je veux faire un petit déjeuner et vous accueillir ce matin, qu’il n’est pas trop d’accord mais que moi j’y tiens, alors je vais le faire. Cela dit, il y a des décisions sur lesquelles on peut mettre un véto quand il y a vraiment un blocage.

 

« Y-a-t-il toujours une remise en question perpétuelle qui oblige à s’adapter ? »

C’est le marché qui l’exige. Nous ne sommes plus dans un contexte économique où on peut lancer un établissement qui perdurera 20 ans. Aujourd’hui il faut sans arrêt se réinventer. Il faut écouter ses clients, répondre aux demandes tout en gardant une ligne directrice. Il faut savoir suivre les tendances. En ce moment, il y a des mutations dans les façons de consommer, il y a de nombreux acteurs qui arrivent sur le marché et qui ne sont pas forcément du métier, ils font les choses instinctivement et durent peu de temps en général. Mais certains cartonnent. Nous sommes dans un marché compliqué. Par exemple, aujourd’hui, les foodtrucks fonctionnent bien, moi je trouve ça génial sauf que, économiquement, c’est compliqué d’en vivre. Il faut s’adapter à ces mutations. Il y a beaucoup d’offre. Il faut en tenir compte.

 

« Quel restaurant est le plus rentable : le Basilic Café ou le Meatballs ? »

Aujourd’hui je ne peux pas vous dire que le Meatballs est plus rentable que le Basilic Café. A priori, la cuisine du Meatballs est plus facile à mettre en œuvre que celle du Basilic Café parce qu’il y a moins de variété sur la carte. Mais aujourd’hui la rentabilité n’est pas optimale ici. Au Basilic Café nous avons plus de volume ce qui nous permet de dire que l’entreprise a atteint un seuil de rentabilité.

 

« Faites-vous des repas à emporter au Basilic Café ? »

Non, parce que le lieu n’est pas adapté aux plats à emporter. C’est différent pour le Meatballs. C’est de la streetfood, on l’a pensé pour que ça puisse être à emporter. Pendant un an, nous avons travaillé le produit pour le faire connaitre et avoir la réaction des gens, pour pouvoir vraiment proposer quelque chose qui plaise. En 2015 ou 2016, on va probablement ouvrir une nouvelle unité dans un centre plus important au niveau du passage pour pouvoir développer cette partie à emporter, take away.

 

« Etant donné que le Basilic Café fonctionne bien,
vous n’avez pas eu la tentation d’ouvrir des franchises ? »

Nous avons conçu le Meatballs pour le franchiser. C’est pour ça que nous souhaitons le développer sur d’autres emplacements afin de développer la partie vente à emporter, restauration rapide. C’était important pour nous de fixer le produit qui était un produit neuf, on ne pouvait pas se lancer directement sur un produit avec le risque que ça ne plaise pas. Donc aujourd’hui, on a fixé notre produit, on va tenter de développer le concept en unités décuplées. Pour le Basilic Café, c’est plus compliqué parce qu’il faut beaucoup de technicité en cuisine. C’est une brasserie où on cuisine donc la rentabilité est mince. Il faut un vrai chef, des vrais cuisiniers. C’est compliqué à trouver.

 

« Quelle est votre stratégie de communication pour faire connaitre votre nouveau produit,
votre nouveau lieu ? »

Nous avons beaucoup travaillé avec les bloggeurs, nous avons travaillé avec la presse mais c’est compliqué parce que nous sommes nombreux dans ce secteur d’activité. Ils ont du mal à privilégier un restaurant plutôt qu’un autre. La Voix du Nord ou Fémina ou A nous Lille, c’est très porteur. Par contre, moi je ne fais jamais de publicité. Nous misons sur l’originalité, le côté innovant de nos produits pour essayer de déclencher des articles. Nous travaillons de la même façon avec les bloggeurs. Ils sont très influents et je pense qu’aujourd’hui, on ne peut pas passer outre au niveau de sa communication. Nous avons également un site internet, nous sommes actifs sur facebook ou twitter. Nous avons un compte instagram mais je ne suis pas très présente dessus.

 

« Vous êtes passée par la banque, est-ce qu’on peut avoir d’autres aides sans passer par là ? »

Ca dépend de votre activité. Dans la restauration les montants sont très importants donc il faut disposer d’un gros apport personnel pour pouvoir se passer de la banque. Les structures de conseil comme Initiatives Plurielles peuvent aussi vous guider vers des organismes susceptibles d’octroyer des prêts et des garanties. Personnellement, je pense que les banques sont nécessaires parce que vous allez de toute façon avoir des charges. Au départ tout ne roule pas forcément bien et c’est intéressant d’avoir un banquier qui comprend ce que vous faites. C’est aussi pour ça que les banques en ligne, pour les professionnels, ce n’est pas idéal. C’est bien d’avoir le lien avec le banquier, de pouvoir lui expliquer le projet, de susciter son implication.

 

« Dans votre activité, qu’est-ce qui est le plus difficile aujourd’hui ? »

Les contraintes administratives sont de plus en plus importantes. L’étau se resserre et c’est compliqué pour les structures de taille intermédiaire comme nous. Les contraintes sont fortes quand on a des salariés au niveau des charges, de la législation. Je suis contente d’être cheffe d’entreprise, je suis passionnée par ce que je fais, je suis heureuse quand je me lève et tout ça m’aide à passer outre ces contraintes.

 

« Par rapport au temps passé dans l’entreprise,
la rémunération est-elle à la hauteur selon vous ? »

Aujourd'hui, clairement, par rapport aux temps que j’investis, je ne gagne pas forcément bien ma vie. En tant que cheffe d’entreprise, ce n’est pas ma rémunération qui me fait me lever tous les matins. Je ne me suis pas mise à mon compte pour faire fortune. Maintenant, j’arrive à bien vivre et c’est l’essentiel, j’ai pu acheter ma maison. Je ne me prive pas. Sur l’entreprise Meatballs je ne me rémunère pas encore, il n’y a pas encore suffisamment de rentabilité. Heureusement nous avons deux entreprises et le Basilic Café nous permet de nous faire plaisir et de lancer autre chose. Mais il faut que ça marche !

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28 février 2015

Visite chez 3ème Monde

 

 

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Isabelle Vanwaelscappel, créatrice et co-gérante de 3ème monde (Société de conseil et d’édition de réseaux sociaux d’entreprise) ouvre ses portes au public pour échanger sur les différentes facettes de son expérience d’entrepreneure. Plus d’une vingtaine de femmes assistent à la visite qui se déroule au sein des locaux de l’entreprise.

 

La société « 3e monde » aujourd’hui

J’ai 45 ans. J’ai crée 3e monde en 2011 avec mon associé Matthias Viry. Nous sommes 6 dans l’entreprise. Chez 3e monde nous travaillons à faire en sorte que la collaboration soit beaucoup plus efficace dans les organisations, que les gens travaillent mieux ensemble. Nous venons dans votre organisation, nous regardons ce qui existe déjà chez vous et à partir de tous nos ingrédients, nous vous donnons les recettes de cuisine pour que vous puissiez mettre en place les premières bribes de la collaboration. On est sur cette transformation de « entreprise pyramidale » à « entreprise qui travaille en réseau ».

 

Un intérêt précoce pour l’entrepreneuriat

Maman était enseignante et papa était directeur technique dans une industrie. J’entendais beaucoup mon père parler d’un personnage pour lequel il avait beaucoup d’admiration, qui avait eu une idée, qui avait crée une entreprise et qui permettait à 450 femmes de se lever le matin, d’aller travailler et de nourrir leur famille. Ca représentait un peu une espèce d’idéal de vie, quelque chose d’au dessus de ce que faisaient mes parents. Vers l’âge de 10 ans, quand on me demandait ce que je voulais faire, je répondais : chef d’entreprise. Dans quel secteur d’activité ? Je n’en savais rien.

 

Des accidents de la vie qui mettent en suspens les projets de création

La vie vous montre que ce n’est pas toujours ce qu’on décide de faire qui arrive vraiment. A l’âge de 19 ans j’ai eu un très grave accident de la circulation avec de grosses répercussions physiques. J’ai mis 10 ans à me reconstruire, j’ai fait des études en candidat libre dans l’électronique, l’électrotechnique, l’automatique, la robotique, que des domaines dans lesquels il n’y a pas de femmes ! Mon idéal de vie, je le laissais de côté. Dans ces cas là, on n’est plus en attente de quelque chose, on cherche juste à vivre son quotidien au mieux. S’il y a une chose à retenir c’est qu’on se relève toujours. Il ne faut pas baisser les bras. Tant que le match n’est pas terminé, on peut encore gagner.

 

Un poste dans un grand groupe pour faire ses premières armes

Une entreprise m’a fait confiance, dans l’informatique. Je suis restée chez eux pendant 10 ans. J’étais développeur de base. Et je suis montée petit à petit, j’ai commencé à acquérir des compétences liées à l’informatique, mais également liées au management. J’avais une petite équipe à gérer, puis une équipe un peu plus grande. Au bout de 10 ans, je gérais une équipe de 45 personnes dans un département technique très masculin.

 

Une expérience en PME pour évaluer ses compétences au sein d’une petite structure

Après ces 10 ans, je n’étais pas encore prête à créer mon entreprise et surtout, je n’avais pas d’idée. J’ai alors souhaité me rapprocher d’une petite entreprise pour essayer de voir ce que je valais dans une PME dans les nouvelles technologies. J’ai cherché et j’ai trouvé une société spécialisée dans la sécurité de l’information. J’y suis entrée en tant que directrice technique et j’ai rapidement migré vers les postes de directeur des RH. J’ai alors acquis d’autres compétences : comprendre ce qu’était un contrat de travail, un licenciement… etc. Evidemment je mets ces compétences à profit aujourd’hui.

 

L’émergence d’une idée

Au sein de cette entreprise, on m’a fait découvrir l’univers des actifs immatériels. Savez-vous ce que c’est ? C’est ce qui fait qu’une entreprise a de la valeur. Quand on regarde les comptes comptables d’une entreprise, ça explique quoi ? Le passé. Maintenant, qu’est-ce qui fait que demain l’entreprise aura de la valeur ? Les petites pépites, on les découvre en analysant et en regardant les actifs immatériels. C’est fantastique ! Passionnant ! Et il n’existe rien sur le marché qui permette de valoriser ces fameux actifs immatériels.

 

La rencontre qui impulse le projet de création

J’ai beaucoup discuté avec mon mari de ces sujets là et il a proposé de me présenter quelqu’un qui avait des centres d’intérêt communs avec les miens. Je ne le savais pas mais cette personne allait devenir mon associé. Nous avons échangé sur le métier qu’il faisait. Matthias travaillait sur les intranets collaboratifs, intranets nouvelle génération, réseaux sociaux d’entreprise. En fait, nos deux parcours, nos deux interrogations se sont croisées à ce moment là. Nous avons eu l’idée suivante : à partir des échanges qui ont lieu sur les réseaux sociaux, il est possible de montrer la valeur d’une organisation. Cette idée a germé. En premier lieu, nous avons pensé qu’elle existait forcément déjà ailleurs. Et nous avons regardé, recherché. En fait non, personne n’était allé sur ce chemin là.

 

La création d’entreprise, une perspective qui implique des questionnements

Cette envie de créer une entreprise a commencé à grandir encore et encore. Maintenant, j’avais une idée de ce que je voulais mettre en place et il n’y avait personne qui faisait la même chose. Entre temps, j’ai eu des enfants et avec ceux de mon mari (cela fait 6 enfants). J’avais réussi à obtenir un poste bien établi en direction des Ressources Humaines qui était passionnant. Mais il y avait toujours cette envie derrière. Alors on avance, on regarde le projet, on se dit qu’on tient quelque chose et qu’on peut vraiment y aller. Oui mais… vous arrivez toutes à vous mettre à ma place… on se demande : est-ce que je vais en avoir le temps ? Est-ce que je vais en avoir la capacité ? On se dit qu’on ne peut pas y aller seule.

 

Se lancer avec l’appui de ses proches

J’ai organisé un conseil de famille. J’ai réuni mes parents, mes beaux-parents, mon mari, mes enfants et je leur ai expliqué le projet. Je leur ai dit : vous savez tous ce que je voulais faire étant petite. Voilà mon projet, voilà ce que j’ai envie de créer, ce sera dans les réseaux sociaux d’entreprise. Par contre je ne peux absolument pas le faire toute seule, ce n’est pas possible. J’ai besoin d’un vrai soutien. Je leur ai donc fait comprendre que je ne pouvais y aller que s’ils étaient tous avec moi et ils m’ont tous conseillé d’y aller.

 

Oser aller vers les banques pour financer sur projet

J’avais réussi à convaincre la sphère familiale mais il fallait aussi convaincre les banques. Nous avons dû monter un business plan. Il s’agit de projeter ce qui va se passer pour l’entreprise. Dans notre tête c’est du prévisionnel mais pas pour les banquiers ! Nous avions besoin de fonds, nous sommes allés les chercher, nous avons mis 6 mois et nous avons réussi ! Il nous fallait presque deux ans de trésorerie devant nous pour financer les ingénieurs informatiques qui créent le programme.

 

Gérer la prise de risque : délicat mais nécessaire

La chose la plus délicate dans mon parcours de créatrice a été la prise de risque. Piloter la prise de risque c’est très important. Il faut avoir une vision à 6 mois de la trésorerie. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est les montagnes russes. Il faut faire en sorte que son besoin en fonds de roulement soit le meilleur possible. Je vous conseille d’aller chercher des prêts d’honneur, des emprunts, des aides spécifiques pour les femmes notamment pour tout ce qui est caution. Quand on démarre, on n’en a pas forcément conscience mais partir sans caution c’est quelque chose qui est très lourd et qui peut être très ennuyeux y compris pour la vie familiale.

 

Savoir s’entourer pour démarrer

Concernant les partenaires qui nous ont permis de créer notre entreprise, le tout premier a été LMI (Lille Métropole Innovation). Ils ont été les premiers à croire en la viabilité de notre projet, à nos personnalités. Ils m’ont fait confiance et nous avons démarré en mars 2011.

 

Savoir convaincre pour développer son entreprise

Un fois lancés, nous devions aller chercher les premiers clients. En fait il faut convaincre tout le monde, tout au long du développement. Il faut convaincre les banquiers, ensuite il faut aller convaincre les prospects, après quand ils se transforment en clients il faut continuer à les convaincre. Ca demande beaucoup d’énergie et de motivation.

 

Gérer son entreprise à deux : les bienfaits de la complémentarité

Dans la construction de 3e Monde il y a quelque chose de très important, c’est que nous sommes deux. Je parle beaucoup de moi, mais je n’aurais jamais crée sans Matthias. Nous sommes complémentaires sur les compétences, par contre sur nos raisons d’être, sur nos piliers, ce qui fait qu’on va sortir nos tripes, on est exactement pareils. Cette complémentarité est une force. Il y a des jours où ce n’est pas facile et le fait d’avoir quelqu’un à ses côtés, qui est impliqué de la même manière, c’est une force phénoménale. Et lorsque je ne peux pas gérer, lui il est là.

 

Concilier vie familiale et vie professionnelle quand on crée son entreprise

Ce n’est pas possible de dire qu’on met des barrières entre la vie privée et la vie professionnelle. Quoiqu’on fasse, notre charge mentale est là. Si ma fille est à l’hôpital, on ne peut pas me demander de continuer à travailler et de l’oublier. Il faut se connaitre, savoir qu’on a ses faiblesses et les assumer. Et partager aussi. Je partage énormément, toute seule je n’arriverais pas à tout assumer. Je n’ai pas de recettes miracles.

 

Etre conscient du réseau qu’on a déjà et savoir le mettre à profit

Quand on démarre, on a l’impression de ne pas avoir de réseau. C’est très, très faux. Il y a la famille, les gens que la famille connait, le banquier, les gens avec qui on a un jour travaillé dans sa vie… Parfois, on n’ose pas aller vers eux pour lancer son projet. Or, il faut leur dire : tu connais mes compétences, tu sais ce que je vaux et je vais avoir besoin de toi parce que ce challenge là, je ne peux que le relever avec tous les gens qui sont autour de moi. Après, il faut être capable de développer ce réseau.

 

Le réseau : une marche vers le succès

Quand on est à la tête d’une entreprise, il faut absolument développer son réseau ! Quand on vient pour la premières fois dans ces fameuses réunions, qu’on ne connait personne, il ne faut pas hésiter à oser faire les premiers pas. Les hommes savent le faire très naturellement, ce n’est pas dans les caractères féminins. Ceci dit, on finit par y prendre goût. On connait de plus en plus de monde et finalement, les relations professionnelles deviennent également amicales. Le réseau c’est essentiel ! Dans mon métier, le plus gros du business est venu du réseau au départ. La prospection téléphonique, c’est intéressant parce que ça permet de voir la façon de réagir des gens, mais moi, cela n’a pas été profitable. Je n’en fais donc plus. Il vaut mieux que j’aille passer des soirées dans des réseaux.

 

Mettre ses valeurs dans son projet entrepreneurial

Je suis motivée à l’idée de construire un monde un peu différent. Dans l’entreprise, il y a parfois des moments où ça ne va pas - c’est le cas dans toutes les entreprises - mais mon objectif c’est que les gens se sentent bien. Je me bats pour ça, pour créer des univers dans lequel les gens peuvent développer leurs compétences pour aller vers ce qu’ils doivent devenir. Il faut donner aux gens l’opportunité de se nourrir de ce qu’on est. Et c’est ce qui me nourrit aussi. Quand je donne énormément, ça me fait du bien, ça me donne de l’énergie. La création d’entreprise, ce sont des montagnes et des joies extrêmement fortes. La création c’est de l’adrénaline. On est responsable. Nous sommes 6 dans l’entreprise et je me sens extrêmement responsable du devenir des gens qui nous ont fait confiance, qui nous ont suivis.

 

 

 les echanges avec un public desireux 

 

« D’où vient le nom « 3e Monde » ? »

Nous avons énormément cherché et c’est un de mes collaborateurs qui un jour nous a parlé de Popper, un philosophe du début du siècle, qui divisait le monde en trois. Le premier monde c’est l’eau, la terre, le feu, les choses qu’on touche. Le deuxième monde c’est le monde de la conscience de soi. Et le troisième monde, c’est le monde de la conscience de l’autre. C’est le monde des idées, de l’innovation. Et c’est justement ce troisième monde que nous souhaitons aider avec nos compétences. Suite à cette réflexion nous nous sommes dit que le nom, ce serait ça : « le 3e monde ». Nous avons crée « 3e monde » avant même qu’on parle de 3e révolution industrielle et pourtant nous sommes dans toute cette mouvance, nous aidons les entreprises à entrer dans cette 3e révolution industrielle.

 

« Quelles sont ces soirées réseau dont vous avez parlé ? »

Nous sommes lauréat Lille Métropole Innovation. LMI fait des soirées de mises en relation avec d’autres chefs d’entreprise. Il y a aussi des petits-déjeuners, la remise des trophées. Ensuite, il y a Initiatives Plurielles où on rencontre d’autres femmes cheffes d’entreprise, on échange sur nos métiers. Et plus globalement, il s’agit de tout ce qui se passe dans la Région. Il faut faire un choix par rapport à sa personnalité. Il faut « goûter » les réseaux ! Se dire : tiens, dans celui là je travaille bien, dans celui-là je travaille moins bien.

 

« Quels retours en obtenez-vous ? »

Il ne faut pas penser qu’on va tout de suite obtenir un retour concret et mesurable, il ne s’agit pas de ça ! Le réseau c’est la construction de relations de confiance avec des individus qui du coup ont la curiosité de savoir ce qu’on fait, et qui à moment donné te disent quand ils ont entendu parler de telle ou telle chose et te proposent de te mettre en relation.

 

« Combien de temps passez-vous à alimenter votre réseau,
notamment quand vous avez démarré ? »

Encore aujourd'hui, je pense que j’y consacre au moins une journée par semaine. Petit bout par petit bout. Mais je le fais avec plaisir, je ne le considère pas comme du travail. Il faut faire en sorte que la mise en contact et le lien créent de la valeur pour l’entreprise et créent de la valeur pour l’individu. C’est ce lien qui va créer l’intelligence.

 

« D'après vous, comment optimiser sa gestion du temps ? »

Je pense que la première clé c’est se connaitre. Savoir ce qui nous fait plaisir, ce qu’on n’aime pas faire. On démarre sa journée par ce qu’on n’aime pas faire, ainsi c’est vite derrière nous. On peut après passer à des choses qu’on aime. Il faut de la rigueur, ne pas reporter au lendemain : si on a le temps de faire les choses, on les fait. Le lendemain, d’autres évènements vont arriver, nous bousculer, et on ne pourra pas forcément faire ce qui était prévu.

 

« Quelle est la journée type d’une femme cheffe d’entreprise ? »

Je n’en ai pas. D’une journée à l’autre, tout est complètement différent ! Si je dois aller à Paris, ce sont d’autres personnes qui prennent en charge les enfants. Je dois alors partir à 6h30 du matin et je peux rentrer à 23h. Le mercredi j’essaie de ne pas prendre de RDV avec les clients, je fais la gestion administrative et les aller/retour avec les différentes activités des enfants parce qu’il y en a beaucoup.

 

« Est-ce que vous êtes d’accord avec votre associé sur les valeurs ?
Avez-vous partagé là-dessus avant ? »

Oui, nous avons beaucoup échangé avant et c’était principalement là-dessus. Nous avons aussi évoqué des scénarios catastrophiques en nous demandant à l’un et à l’autre : « c’est quoi ta position ? » Il faut vraiment se connaitre. C’est marrant parce que dans les réseaux, le fait de créer à deux est vu comme un risque dans la mesure où il peut y avoir des conflits sur les choix à faire. Donc pour diminuer ce risque ils nous font faire plein de tests. Et il en est ressorti que nous étions comme des frères et sœurs ! C’est marrant parce qu’on ne se connaissait pas avant la création. En 4 ans, nous n’avons pas eu un seul conflit.

 

« Comment partagez-vous les tâches avec votre associé ? »

Il y a un certain nombre de choses que mon associé n’aime pas faire du tout. C’est à ce moment là que la compétence féminine revient : quand certaines choses ne sont pas faites, on les prend en charge ! Il faut savoir aller là où on est bon. Il faut savoir reconnaitre où sont nos compétences. Moi je suis bonne à tenir la machine et à aller chercher du business. Matthias est sur toute la partie développement, imaginatif, faire du réseau intellectuel. Il y a un endroit où nous sommes moins bons, c’est sur la partie commerce. C’est pourquoi nous cherchons une troisième personne. Même avec de la formation, ce n’est pas donné à tout le monde. Or, c’est un point à ne pas négliger pour le développement de l’entreprise. Au début ça ne servait à rien. Il faut avoir du retour client, on ne fait pas venir un commercial comme ça sans avoir prouvé la véracité du concept, combien s’est vendu, d’avoir des plaquettes marketing. Maintenant on est prêt et on y est.

 

« Comment on passe d’un projet personnel, à une entreprise de 6 personnes ? »

J’aimerais qu’on soit beaucoup plus ! Parce que si on est plus nombreux, on peut assumer davantage les aléas de la vie de l’entreprise. Comment fait-on pour en arriver là ? Cette rencontre avec Matthias a été un élément déterminant grâce à mon mari qui me l’a présenté. C’est une histoire de vie.

Pour les autres en fonction des besoins, Je n’ai pas cherché. J’ai fait les bonnes rencontres au bon moment.

 

«  Est-ce qu’une fois que votre offre était bien formalisée dans vos esprits, vous avez pu la tester ? En parler pour voir comment les clients potentiels pouvaient prendre cette offre ? »

J’ai cette chance d’avoir un associé qui est un gourou des réseaux sociaux d’entreprise. Il a été le premier à penser et à réaliser le réseau social Auchan. Cette expérience là est précieuse. Quand nous expliquons que nous avons mis en place le premier réseau social chez Auchan, ça nous donne du répondant. Ca permet d’avoir la confiance des gens qu’on ne connaissait pas avant.

 

« Combien de temps s’est écoulé entre la naissance du projet
et le lancement officiel de l’activité ? »

Entre ma rencontre avec mon associé et l’immatriculation,  il y a eu quasiment un an. Nous avons tous les deux demandé une rupture conventionnelle. Nous avons dû oser, sauter le pas. Au total, nous avons mis 2ans et demi à lancer réellement le projet et à faire tourner la boite. Il y a un outil derrière, il a fallu le développer. La société était créée mais il n’y avait quasiment pas de chiffre d’affaires. Nous sommes dans l’innovation, c’est un pari.

 

« Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir marraine dans le programme d’Initiatives Plurielles ? »

Fatiha et moi, nous nous sommes rencontrées au réseau alliance. Elle m’a alors parlé du programme de marrainage et je me suis dit que c’était peut-être la corde qui manquait à mon arc. Je donne beaucoup aux enfants, aux salariés, et l’opportunité de donner à une femme créatrice c’est intéressant. Il y a une telle énergie au moment où on crée son entreprise, que d’accompagner quelqu’un qui est dans cette phase nous en donne aussi. C’est l’effet miroir. Moi je ne fais que questionner ma filleule pour l’aider à avancer. Elle a une telle énergie que je me recharge aussi dans l’échange. Et elle exerce dans un autre domaine que le mien ce qui me permet de m’ouvrir, d’avoir une vision différente.

15 janvier 2015

Visite chez les Filles à Retordre

 

 

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Marie Gobaille, co-gérante de la scop « les Filles à Retordre » (créations de sacs en chambre à air, chapeaux, bijoux en récup, animation d'ateliers autour de la récup.) ouvre ses portes au public pour échanger sur les différentes facettes de son expérience d’entrepreneure. Plus d’une vingtaine de femmes assistent à la visite qui se déroule dans l’atelier, à Fives.

 

Une envie d’autre chose

Nous sommes deux co-gérantes. Avec Anne-Lise c’est aussi une histoire d’amitié puisque nous étions amies avant de créer ce projet. En fait c’est une reconversion. Anne-Lise travaillait dans les relations internationales à la ville de Lille et moi j’étais chargée de projet dans une association de tourisme solidaire à Lille également. Pour ma part, c’était déjà une création de projet puisque c’était un emploi que j’avais crée au sein de cette association. Au bout d’un moment je ne m’y retrouvais plus trop.

 

La rencontre des deux futures associées

L’Economie Sociale et Solidaire (ESS), c’est tout un réseau. Anne-Lise en faisait aussi partie et nous nous sommes rencontrées lors de la semaine de la solidarité internationale. Elle co-pilotait ce projet pour la ville de Lille tandis que moi, je faisais partie des acteurs qui proposaient des actions dans le cadre de l’évènement. Nous sommes devenues amies, nous avons même habité ensemble, en collocation. Toutes les deux nous étions en réflexion sur notre avenir.

 

La naissance de l’idée et l’envie de se lancer

Je savais que je voulais me tourner vers une activité manuelle parce que je bricolais depuis longtemps. Anne-Lise avait aussi envie de bricoler mais elle ne savait pas dans quel domaine. Je lui ai appris à coudre, nous avons fait plein de choses ensemble jusqu'au moment où nous avons commencé à nous dire : lançons nous, créons un projet toutes les deux ! Me concernant, il était évident que ce serait dans la couture parce que j’étais à fond là dedans, j’avais également l’envie de transmettre et de donner des cours.

 

La préparation du projet

J’avais envie d’acquérir des bases techniques même si je me débrouillais déjà bien à l’époque. Une prof de couture m’avait parlé d’informa. Je voulais donc essayer au préalable de rentrer chez informa pendant un an. Anne-Lise quant à elle était fan de chapeaux et elle a donc voulu faire une formation de chapelière modiste à Paris. On a décidé de prendre un an pour se former pour créer l’entreprise après. Nous sommes parties d’un rêve, nous en discutions tout en étant en formation, nous ciblions les choses que nous avions envie de faire ainsi que les gens qui pouvaient nous aider. C’est à ce moment que nous sommes entrées en contact avec Initiatives Plurielles et avec d’autres structures comme la BGE. On voulait respecter un timing : entrer en formation en septembre, octobre et créer l’année d’après.

 

Avancer avec prudence

Le projet, à la base, c’était un café atelier couture avec un espace boutique. Quand nous avons vu les prix des locaux à Lille, nous nous sommes rendues à l’évidence : il fallait faire autrement ! Nous étions très prudentes. Ça c’est très féminin d’être prudente niveau financier. En général, les hommes vont emprunter et vont se dire : tant pis si on a un prêt énorme sur le dos ! Nous ne voulions pas faire de prêt parce qu’on ne savait pas si notre activité allait marcher. On avait peur d’avoir des dettes donc on s’est dit qu’il fallait trouver d’autres solutions.

 

Bien définir le contenu du projet

Nous sommes sorties de la formation en se disant que l’idée était d’avoir une partie vente de créations et une autre partie animation d’ateliers. Nous pensions faire des thèmes d’ateliers. Et Anne-Lise, en même temps que sa formation modiste qui n’avait duré que 2 mois et demi, est devenue bénévole dans une association à Paris « la débrouille compagnie » qui travaille sur la récup. Comme nous voulions justement que notre activité tourne autour de la récup textile, elle s’est dit qu’elle pourrait enrichir ses connaissances. Le deal c’était qu’elle les aide sur des évènements et qu’en échange, ils lui apprennent des techniques de récup autre que textile : chambre à air, canettes de soda, plastique… Cette expérience nous a amené d’autres compétences et un autre champ de vision.

 

Le lancement de l’activité via la couveuse

Nous avons respecté le timing que nous nous étions fixées et un an après notre formation, nous avons commencé notre activité en proposant des animations autour de la récup. Nous avons fait le choix de ne pas créer notre statut tout de suite et de tester pendant un an notre activité pour voir si on pouvait en vivre. Après l’année de formation, nous sommes donc entrées en couveuse pendant 7 mois. Nous voulions que cette couveuse soit reliée à l’ESS donc nous avons choisi Chrysalide, la couveuse de « A Petits Pas » dans le Pas-de-Calais. Etant dans l’ESS, ils nous ont fait réfléchir à notre démarche, à la gestion de notre entreprise de façon démocratique, au développement durable, à comment on agit sur l’environnement. Nous avons démarré notre activité de la sorte.

 

Le moment de la création d’entreprise

Comme nous avons vu que notre activité fonctionnait bien, nous sommes sorties de la couveuse et nous avons crée une SCOP. Il y a eu beaucoup de tergiversations, on se demandait si on ne devait pas créer une association. Il faut être motivé pour créer une SCOP. L’interlocuteur à Lille, l’urscop, peut facilement se montrer démotivant. Ils n’ont pas envie d’accompagner des gens qui vont abandonner au bout d’un mois, de ce fait, ils vont être très pointilleux. De plus, notre conseiller au sein d’Initiatives Plurielles nous avait dit qu’avec un prévisionnel comme le notre, il ne fallait pas y aller ! Il était conscient qu’avec tout ce que nous avions envisagé comme activités, nous n’allions pas tenir le rythme. Après avoir entendu tout ça, nous avons beaucoup réfléchis. On ne pouvait pas faire demi-tour, les premiers tests que nous avions faits étaient bons. Pour nous, c’était sûr, nous allions créer, nous n’allions peut-être pas gagner 4000 euros/mois mais au moins nous allions faire ce que nous aimions.

 

Créer une SCOP pour promouvoir ses valeurs

Nous on a choisi la SCOP parce que c’était un ancrage dans l’économie sociale et solidaire. C’est important pour nous parce que notre réseau est composé d’associations et de collectivités et le mot « entreprise » fait peur. De toute façon pour nous, ça va au delà de ça, ça correspondait aux valeurs qu’on voulait porter et même à l’activité qu’on voulait avoir : impact minimum sur l’environnement, lien social, etc. Au niveau de la gestion d’entreprise on est associées salariées donc nous avons le statut de salarié tout en étant cogérantes. Même si nous étions 20, l’entreprise appartiendrait aux salariés. J’ai fait des stages dans des SCOP, le salaire est le même pour tout le monde, le président est tiré au chapeau parmi les gens volontaires. C’est un fonctionnement autre que le système hiérarchique d’une entreprise classique.

 

Aller chercher de l’aide pour assurer la pérennité de l’activité

On est en CDI, on a un salaire fixe qui tombe tous les mois mais il faut assurer que ce salaire puisse être payé. Jusque là on s’en sort bien, surtout qu’on avait capitalisé lorsque nous étions en couveuse. Nous avons eu une aide au démarrage dans l’ESS de Lille Métropole, une aide du Clap aussi. En gros, nous avons reçu 10000 euros d’aide au démarrage, nous avons monté des dossiers pour ça. Nous avons eu le prix talent des cités remis au Sénat en 2011. C’était 1500 euros et nous avons acheté toutes les machines à coudre avec cette somme. Ca met du temps de monter les dossiers, nous en avons monté plein d’autres pour lesquels nous n’avons eu aucun retour.

2014-12-11 - Visite Initiatives Plurielles - Filles à retordre

 les echanges avec un public desireux

« Dans cette scop vous n’êtes que deux ? »

Oui. Si nous avions monté une association, il aurait fallu constituer un bureau. Trouver des amis pour en faire partie, c’est facile. Mais pour l’avoir fait dans mon association  précédente, je sais que ça peut vite devenir bancal. En SCOP, nous étions sûres de mener notre barque à deux. Après, il faut savoir que ça coute beaucoup plus cher et évidemment on ne bénéficie pas de financements publics.

 

« Qu’est-ce qui coûte de l’argent finalement ? »

L’accompagnement en premier lieu. Ecrire les statuts soi même ce n’est pas possible, c’est trop compliqué. L’accompagnement d’une SCOP c’est à peu près 1000 euros, peut-être un peu plus. La déclaration au journal officiel à la Chambre des métiers, je ne sais plus mais en tout, c’est 2000 euros, presque 3000 euros de coût de création. Nous avons eu cette trésorerie parce que pendant 8 mois nous étions en couveuse et nous étions bénévoles. Moi j’étais au RSA et Anne-Lise percevait l’allocation chômage. Pendant ces 8 mois, tout l’argent de nos prestations et de nos cours de couture qui rentrait, c’était un capital qu’on conservait pour le démarrage.

 

« Comment fonctionne la couveuse ? Elle prend un pourcentage sur votre chiffre d’affaire ? »

Si on fait une prestation pour la ville de Lille par exemple, on fait une facture sur laquelle est indiquée « Filles à retordre » mais on y retrouve le numéro de SIRET de la couveuse et le chèque est à son nom. La couveuse d’APP est particulière, elle ne prend pas de pourcentage mais en général c’est entre 10 et 30% du CA.

 

« L’accompagnement de la couveuse consiste juste en un hébergement ? »

Non, il y a des formations mais « A Petit Pas » fonctionne avec « Initiatives Plurielles ». Ils sont loin, ils sont à deux heures de Lille donc nous faisons des réunions ou des formations à « Initiatives Plurielles ». On a la chance d’avoir des structures d’accompagnement qui proposent un panel de formations incroyable et gratuit.

 

« Quels sont les inconvénients de la couveuse ? »

Il n’y en a pas ! Pour nous, la couveuse c’était super parce qu’on a pu bénéficier d’un accompagnement et ça nous a permis de tester notre activité en grandeur réelle. Nous avons l’impression que notre activité a été crée un an avant la création réelle. On a créé la SCOP en juin 2012 et on est entrée en couveuse un an avant, en septembre 2011.

 

« La SCOP, c’est lourd au niveau des charges ? »

Ce sont les mêmes que pour toutes entreprises. Nous n’avons pas d’impôt sur les sociétés mais nous avons une révision coopérative pour prouver que nous avons un fonctionnement démocratique. Ca coute 1000 euros par an. Dans une SCOP où ils sont 50 c’est important mais nous, on est deux donc c’est vite vu. De ce fait, on trouve ça très cher. Quand on est une petite entreprise, on a les mêmes charges que les grosses entreprises, il y a quelque chose qui ne va à ce niveau.

 

« Vous êtes deux, mais d’autres personnes peuvent intégrer la SCOP ? »

Nous sommes deux associées. Justine est salariée depuis octobre mais elle n’est pas associée de la SCOP, elle démarre, elle n’a pas investi dans le capital de l’entreprise. Il faut être là depuis un certain temps et en avoir envie pour investir dans l’entreprise. Ce n’est pas une obligation ! C’est du volontariat, on peut rester salariée à vie ou devenir associée.

 

« D’où est venue votre envie de créer, votre motivation ? »

Avant de créer « les filles à retordre », j’avais crée mon poste de travail au sein d’une association. Je n’ai jamais été salariée pendant X années et je ne sais pas d’où vient cet état de fait. Quand j’ai intégré informa, j’avais déjà un projet de création d’entreprise. Avec Anne-Lise on voulait absolument vivre de notre activité. Il y a beaucoup de créatrices dans le textile qui vivent du salaire de leur mari et pour nous il n’en était pas question ! L’idée c’était : on teste en couveuse, on voit rapidement si on peut en vivre et très vite on se salarie. Il était hors de question de s’investir bénévolement pendant 10 ans. Non !

 

« Plus précisément, quel est le contenu de votre activité ? »

Il y a la partie la plus simple, c’est la partie création qui représente 30% de notre CA. Anne-Lise fait des chapeaux, moi j’ai abandonné les vêtements et je fais des sacs en chambre à air. C’est le côté travail de la récup qui m’a amené à cela. Pour les vêtements, il faut être à temps : créer des collections, avoir plusieurs tailles disponibles. Pour nous, ce n’était pas possible parce que nous avions le côté « animation » en parallèle. Nous sommes aussi sur les bijoux en récup, ça fonctionne bien.

 

« Vous effectuez plusieurs activités pour que le tout soit viable ? »

Ce n’est pas forcément pour que ce soit viable que nous l’avons fait ainsi. C’était notre envie de ne pas seulement faire de la création mais aussi de transmettre. On ne se voyait pas dans un atelier en tête à tête toute la journée. On avait besoin de voir du monde. C’est un équilibre qui nous convient bien.

 

« C’est très différent de produire, fabriquer et transmettre.
Comment avez-vous validé le fait que vous pourriez animer des ateliers ? »

J’avais déjà fait de l’animation avant. On ne s’est pas lancé là dedans parce qu’on se disait que ça marcherait bien et que ça amènerait de l’argent, non, c’était une envie à la base. C’est sûr que c’est stressant au début. Lors des premiers cours de couture, on a peur de ne pas pouvoir répondre aux demandes des gens. Mais il faut accepter de ne pas tout savoir. En général je n’ai que des débutants. Je m’adapte aux personnes qui prennent des cours.

 

« Comment faites-vous pour fixer les tarifs d’un atelier ? »

Il y a les tarifs DRAC. Je crois que c’est 50 euros HT. Nous ne sommes pas assujettis à la TVA pour le moment mais on a quand même prévu un tarif prenant en compte cet élément afin de ne pas avoir à augmenter notre taux horaire par la suite. Actuellement, nous demandons 60 euros de l’heure par animation. Au début on se disait que personne n’accepterait de payer ça, mais au contraire il faut le faire ! Il s’agit du prix des ateliers à l’extérieur. On peut le baisser quand il y a, par exemple, 10 séances de prévues.

 

« Où vendez-vous vos créations ? »

Nous avons des points de vente à El Market. Ce qui est bien avec eux c’est que ce sont des commandes. Nous avons également deux dépôts-vente à Bruxelles. Ce sont des boutiques de commerce équitable. Quand c’est une commande, on nous achète nos produits et qu’ils vendent ou pas ce n’est pas notre problème. Les dépôts-vente payent quand ils ont vendu. C’est bien d’avoir plusieurs points de vente. Il existe aussi des boutiques de créateurs maintenant comme à Douai. Ils ont tous un fonctionnement différent.

 

« Comment avez-vous réussi à nouer des contacts avec ces structures à Bruxelles ? »

C’est du réseautage. Nous sommes dans ce milieu depuis longtemps. A l’époque, je faisais partie du réseau « comme une idée », collectif de commerce équitable lillois auquel appartenait aussi altermundi. Bien sûr, ça ne suffit pas, il faut aussi que nos produits leur plaisent. A Bruxelles, nous sommes allées vers des boutiques que nous connaissions sans pour autant connaitre les gérants. Nous leur avons montré des pièces, des bijoux. Les marchés on en a fait au début mais c’est parfois déprimant. J’ai l’impression qu’il y en a trop sur Lille. Dernièrement, nous avons fait le marché Saint-Eloi à Grande-Synthe. Dans ce type d’endroit, où il y a moins d’évènements concentrés, les gens se déplacent plus facilement.

 

« Vous faites de la vente en ligne ? »

C’était un objectif mais nous n’avions pas les stocks nécessaires. Nous avons fait beaucoup d’animation et nous n’avons pas le temps de faire du stock, pour les fêtes c’est du sur-mesure presque tout le temps.

 

« Vos créations sont de qualité et ne sont pas chères.
Pourriez-vous les vendre à des prix plus élevés dans des boutiques de luxe ? »

Je pourrais les vendre le double du prix vu le temps passé à travailler dessus mais je n’ai pas envie de rester avec tout sur les bras et en même temps, je veux que ça reste accessible. Il y a des modèles que je ne fais pas parce que je sais que ça me prendra trop de temps. Et pour cibler des boutiques de luxe, il faudrait que ce soit moins coloré. Pour l’instant j’ai encore l’impression qu’il reste des choses à améliorer. Je me rends compte, par exemple, qu’une formation au domaine du cuire m’aiderait beaucoup.

 

« Combien êtes-vous rémunérées par mois ? »

Nous sommes au SMIC. Nous sommes salariées de « filles à retordre » donc nous avons un salaire fixe. Nous sommes au smic à 33h/semaine. C’est le choix que nous avons fait d’être en scop, d’être salariées et de s’assurer un salaire fixe. Même si ce n’est qu’un smic, c’est génial parce que nous réussissons à en vivre. Nous consommons très peu, nous n’avons pas de voiture personnelle et c’est notre entreprise : si nous avons envie de prendre deux jours dans la semaine, nous les prenons. Si je veux aller chercher ma fille à l’école à 16h, j’y vais. On n’a pas crée notre boîte pour se contraindre à un rythme effréné.

 

« Avec le recul pensiez-vous que la création de votre entreprise
allait se dérouler de la sorte ou avez-vous été surprise ? »

Non. Pour avoir déjà crée une association avant, je savais que ça prendrait du temps. J’avais déjà fait de la gestion de projet. Anne-Lise également. Ces expériences nous ont fait gagner du temps, nous avions la tête sur les épaules, nous connaissions les étapes par lesquelles il fallait passer. Malgré tout, il nous manquait des compétences. Quand on crée, c’est plein de métiers qu’il faut apprendre, c’est ça qui est dur. Aujourd’hui nous avons la chance d’avoir Justine avec nous en tant que salariée, qui est graphiste. C’est génial pour les outils de communication. Là où nous aurions passé 5 jours à faire du travail médiocre, elle, elle passe deux heures et c’est top !

 

« Vous endossez beaucoup de casquettes ? »

Nous avons une comptable. C’est cher mais nous ne voulions pas passer trop de temps là-dessus alors que nous n’avions pas les compétences. La gestion des fiches de paie, c’est compliqué. Nous avions essayé de le faire au début et on ne comprenait rien. Maintenant, tout est classé, il y a une numérotation à suivre pour les factures, nous avons appris à gérer tout ça de façon rigoureuse et nous soumettons tous ces documents à notre comptable.

 

« Vous passez beaucoup de temps à faire du démarchage ? »

Oui. En janvier, il va falloir qu’on prenne le téléphone car nous n’avons pas assez de projets en vue. Nous prévoyons de travailler avec une association lilloise à Fives qui souhaite faire un défilé pour les personnes à mobilité réduite. Notre mission serait de travailler sur les accessoires. L’activité est très variée : il y a des ateliers ponctuels comme ceux que nous faisons à Villeneuve d’Ascq ou sur le village du réemploi qu’organise la ville de Lille. Il y a des projets à long terme comme des défilés qui s’étendent sur plusieurs mois. On fait des costumes aussi pour une compagnie lilloise de temps en temps.

 

« Aujourd'hui la société est bénéficiaire ? »

Non, c’est équilibré mais pas encore bénéficiaire. La première année on a eu 30 euros de bénéfice ! (rires) Je pense que nous allons emprunter avec Nord Actif qui est un financeur solidaire. Nous sommes tout le temps en réflexion. Nous adhérons à l’APES où nous avons un interlocuteur. Il nous propose des pistes pour développer notre activité. Nous avons la tête dans le guidon et nous ne pensons pas à certaines choses. Par exemple, nous savons très bien fonctionner avec le milieu associatif, mais concernant les entreprises, nous n’avons pas le langage qu’il faut. On ne peut pas se reposer que sur les associations et les collectivités, il faut qu’on attaque d’autres secteurs.

 

23 novembre 2014

Visite chez Valeurs Sûres

 

compte-rendu-valeurs-sures

Anne-Sophie Ansart et Marie-Rose Stassart, créatrices et gérantes de Valeurs Sûres (agence immobilière installée sur Roubaix) ouvrent leurs portes au public pour échanger sur les différentes facettes de leur expérience d’entrepreneure. Plus d’une vingtaine de femmes assistent à la visite qui se déroule au sein des locaux de l’agence. 

 

Le contexte de la création de Valeurs Sûres

Nous avons créé suite à un licenciement économique. Ça a été un petit peu difficile. Nous avons rapidement lancé notre société parce que nous avions l’expérience de notre métier. Ce qu’il nous manquait c’était l’expérience du deuxième métier, celui de chef d’entreprise. Celui-là, nous l’avons découvert au fur et à mesure de la création. Nous avons démarré uniquement avec nos allocations chômage et notre prime de licenciement.

 

Des créatrices à part entière !

Lorsque nous avons commencé, nous faisions de l’artisanal même si cela ne correspond pas forcément à l’image qu’on se fait de l’immobilier. On a en tête beaucoup de représentations, de caricatures. Quand nous faisions des demandes de prêts, nous avions toujours l’impression qu’on ne nous considérait pas réellement comme des créatrices. Pourtant nous étions en train de créer notre propre emploi, notre société. Nous étions dans la même démarche que toute autre personne se disant un jour : je veux travailler pour moi, je ne travaille plus pour quelqu’un, je prends les décisions et les idées que j’ai eues avant pour mon employeur, je les mets en application pour moi. Je fais le pari que ça va marcher. Nous avions une vraie démarche de création.

 

Une des clés de la réussite : communiquer et se faire connaitre

Nous avons démarré après avoir trouvé un petit local de 30m2 près d’ici. Il a fallu beaucoup travailler. Nous n’avions que trois clients au départ mais nous avons fait une inauguration où il y avait du monde ! Je vous donne des astuces qui me semblent intéressantes : nous n’avions pas un relationnel extraordinaire par contre, nous nous sommes constituées un calepin quand on travaillait. Nous l’avons utilisé. Nous avons toujours informé les gens de notre démarche de création, nous les avons interrogés pour savoir ce qu’ils pensaient de notre projet et ainsi, nous avons entretenu le lien. Quand on a été licencié, on a tendance à se refermer sur soi. Or, notre idée a justement été de maintenir le lien jusqu’au démarrage et c’est par ce biais que nous avons eu nos premiers clients dont faisaient partie nos patrons qui nous avaient licenciés !

 

Savoir positiver pour avancer

Ce sont les circonstances qui ont conduit à ce licenciement et quelque chose de négatif à la base est devenu très positif. Dans l’entreprise c’est ça : des éternels rebondissements ! Il faut savoir rebondir quand on est au plus bas. Quand il y a un évènement négatif qui se produit, nous n’avons qu’un but, c’est de le transformer en quelque chose de positif. Maintenant, c’est devenu un jeu. Par exemple, quand quelqu’un entre dans l’agence en râlant, nous n’avons qu’une envie : le faire ressortir avec le sourire. Nous travaillons énormément sur nos points faibles à transformer en points forts.

 

De la nécessité de s’imposer dans un milieu très masculin

Au démarrage, nous nous sommes fait descendre. C’est un milieu difficile. Si vous voulez voir des hommes en costard-cravate : allez aux réunions de la FNAIM ! Nous sommes quasiment les seules femmes cheffes d’entreprise. C’est un milieu d’hommes. Il y a des stéréotypes dans notre métier. Nous sommes face à des hommes dans le métier mais aussi dans le relationnel à l’extérieur, dans le monde du bâtiment, etc. Donc il faut faire sa place grâce à nos compétences jusqu’à ce que les hommes finissent par nous considérer comme leurs « égales ».

 

Avoir une ligne directrice et rester fidèle à ses valeurs

Il y a des escrocs dans le milieu de l’immobilier que nous ne connaissions pas forcément avant la création de notre agence. On nous avait prévenus et nous avons effectivement eu l’occasion de les rencontrer ! Nous n’étions pas confrontées à ce genre de pratiques sur notre ancien lieu de travail. Nous avons appris tout ça sur le terrain. Nous concernant, nous avons décidé de ne pas céder à la solution de facilité. Nous avions la possibilité de se faire très vite de l’argent, de flamber, d’avoir une belle voiture, etc. Mais nous avons refusé de manger de ce pain là. Nous savons désormais que c’est ce qui a été payant a posteriori. Nous nous sommes dit : on se respecte, ce qu’on le fait, on le fait avec nos convictions personnelles et on ne le doit à personne.

 

La volonté d’être indépendante et de ne pas dépendre de son conjoint

Nous sommes indépendantes. Nos hommes n’ont rien à voir dans notre société, ils n’ont pas mis un centime, ils ont juste eu le droit de nous ramasser à la petite cuillère quand nous en avions besoin ! Nous sommes féministes mais nous les aimons nos hommes ! Cela dit, nous n’avons pas la même vision qu’eux sur l’activité. Quand ça ne va pas, ils nous disent : « arrête de te plaindre, tu n’as qu’à licencier… » Nous, on répond par la négative. Nous allons plutôt essayer d’analyser le problème, de chercher ce qui ne va pas. Nous n’avons pas du tout la même vision donc autant être totalement indépendantes. Nous sommes fières de nous !

 

Un management au féminin

Dans notre façon de gérer la boite, nous restons femmes avant tout. On nous apprend que les choses sont blanches ou noires, que tout doit être très droit, très carré. Mais dans la vie, ça ne fonctionne jamais ainsi. La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Dans une petite boite c’est pareil. C’est une aventure humaine. Au début nous avons embauché une personne, après une deuxième. Nous sommes allées d’étapes en étapes. Nous avons avancé, évolué avec chaque salarié. Nous leur devons aussi la pérennité de la boite. Si un enfant fait une bêtise à la maison, on ne va pas le jeter. Dans notre boite c’est un peu pareil. Ce n’est pas parce que quelqu’un fait une erreur qu’on va l’évincer. Nous aussi nous en faisons. On doit l’assumer ensemble. C’est la vie. C’est ce qui fait la différence avec les gros groupes – le fait de ne pas être dans un groupe, c’est génial !

 

Se remettre en question, savoir rebondir, se réinventer

On se remet sans arrêt en question. Créer, ça ne dure pas qu’une journée, ce n’est pas juste au démarrage, c’est tous les jours. Si on ne recrée pas les outils, les façons de faire, je crois qu’on coule. Et on s’ennuie. En tant qu’associées, nous n’avons pas la même façon de voir les choses, nous sommes différentes mais complémentaires et finalement, nous arrivons toujours aux mêmes conclusions. La chose qui m’a le plus marquée quand on a crée c’est cette sensation de sauter dans le vide mais avec une bonne préparation. Créer sa boite, c’est comme faire du ski et descendre une piste noire. On ne s’ennuie pas, il y a de l’adrénaline. Au bout de 5, 6 ans, quand on a inventé et testé les outils, on peut parfois s’ennuyer. C’est une période délicate. Alors il faut savoir sauter à nouveau dans le vide. Il faut rebondir et toujours se réinventer.

 

Un rapport privilégié avec la clientèle

Ils sont supers nos clients. Certains sont là depuis le début. Ils voulaient nous apprendre la vie et maintenant ils nous demandent des conseils. On a tout un panel de clients différents : des locataires, des propriétaires, des acquéreurs, des vendeurs. Parmi les locataires, il y a ceux qui sont en demande de logement – ça va de la personne au RSA jusqu’au gros directeur - Ca peut être des locataires d’habitation ou de commerce. Il y a aussi les investisseurs qui viennent nous voir pour qu’on gère leurs biens. On doit vraiment partir de leurs besoins et être très à l’écoute.  

 

Démontrer ses compétences et susciter la confiance

Les gens viennent avec toute sorte de soucis : un bien qu’ils n’arrivent pas à louer ou à vendre, etc. Il faut savoir de quoi on parle. Ce qui est à la base de tout, ce sont quand même les compétences que nous avons acquises durant toutes ces années. Mais au début, quand nous avons démarré, les gens se sont demandés si on avait ouvert parce qu’on avait vu de la lumière ou pas. Il fallait faire ses preuves. Il fallait que les clients potentiels nous fassent confiance. Maintenant, nous avons un langage qui est direct, qui est franc et la confiance est là. Le pire pour nous, c’est quand quelqu’un nous dit qu’il n’a pas confiance. Quand ça arrive, nous travaillons tout de suite sur notre posture.

 

Mettre de l’humain dans son travail

Je me souviens d’un vieux monsieur qui avait changé d’agence pour venir chez nous parce qu’on avait les moyens techniques pour travailler pour lui d’une part et d’autre par parce qu’il était souffrant et que ses enfants allaient prendre le relai. Maintenant, nous travaillons pour ses enfants. Nous les avons aidés à effectuer la passation. C’est aussi à ce niveau qu’on peut mettre en valeur le côté humain de notre travail. C’est ce qui nous différencie d’un autre groupe où les gens ne seraient que des numéros.

 

Trouver des fonds : le rapport au banquier

Il faut savoir que le banquier habituel n’est pas forcément votre meilleur interlocuteur ! Nous avons dû demander des prêts à plusieurs reprises. Ce fut le parcours du combattant parce qu’en tant qu’indépendantes nous n’avions pas de fiche de paie. Donc l’interlocuteur, il vous sape le moral. Il faut s’adresser aux gens qui ont l’habitude de prêter aux entreprises et pas aux particuliers. Il est important de connaitre la capacité d’octroi du directeur qui va vous recevoir. Il ne faut surtout pas se laisser démoraliser par la réaction d’une personne. De même, quand on vous dit oui tout de suite, il ne faut pas le prendre pour un acquis. Il ne faut pas le prendre pour « argent comptant » sans jeu de mots ! Il y a des banques qui aiment les créateurs, d’autres moins.

 

Valeurs Sûres - 9 octobre 2014 -

 

les echanges avec un public desireux

 

« Dans l’immobilier, il y a une base technique à connaitre.
L’avez-vous acquise sur le terrain ou par le biais d’une formation spécifique ?
 »

Quand nous avons crée, il n’existait pas de diplôme d’immobilier. Maintenant il y en a. Il y avait un niveau requis. En tant que salariées, nous avons eu la chance d’avoir un patron qui nous laissait un champ d’action énorme. Il nous donnait carte blanche. A nous deux, nous possédions tout le bagage nécessaire mais il fallait encore ajouter quelques compétences sur lesquelles il a été nécessaire de travailler. Il fallait aussi qu’on obtienne les cartes professionnelles. Nous les avons eues. Pour le reste, nous avons mis en place notre propre façon de procéder, nos propres outils en fonction de ce que nous voulions. Maintenant il existe des formations. Cela dit, ça reste un métier de bon sens et de terrain, de ressenti, de curiosité.

 

« Par rapport au marché, vous êtes-vous posées la question :
est-ce qu’il y a des sous pour nous ? »

Oui, nous avons fait l’étude de marché sur toute l’agglomération, sur 220000 ménages. Nous avons choisi notre zone de chalandise en fonction des transactions qui se réalisaient. Il faut aller dans les mairies, au service économique. Ils vous expliquent les dispositifs existant : prêts d’honneur, etc. Et il y a un service d’urbanisme qui peut vous renseigner sur les évolutions qui vont avoir lieu. Par exemple, quand nous nous sommes implantées, il n’y avait pas le métro mais nous savions qu’il arrivait. Je pense que le travail que nous avons fait à la base était crucial. On s’est demandé : qu’est-ce qu’on sait faire ? Qu’est-ce qu’on veut faire ? Comment on va le faire savoir ?

 

« Quel parcours avez-vous effectué pour définir votre statut ? »

L’axiome de base c’est que nous voulions être indépendantes toutes les deux mais à égalité. Il ne fallait pas que l’une soit dévalorisée par rapport à l’autre. On est en SARL, on est à 50/50 donc au niveau des capacités de décision, si l’une des deux ne veut pas, on ne peut pas ! L’autre ne peut rien faire. Et quand ça bloque au niveau d’une réflexion, nous allons voir une tierce personne : comptable, conjoint, etc. L’objectif est de trouver une troisième voie. C’est comme un mariage. La première année, nous étions dans des locaux bien plus petits en face à face, tous les jours, pendant 13 ans. Nous avons eu des passages plus ou moins difficiles. L’association, c’est une sorte de couple avec des hauts et des bas.

 

« Comment vous avez réussi à préserver votre relation amicale ? »

Nous nous disputons parfois mais nous avons les mêmes valeurs. Ce qui nous a unis, c’est notre première bagarre que nous avons menée toutes les deux lors du licenciement. Nous sommes restées solidaires. Ca aide pour avoir confiance. Personnellement, je pense qu’on sent comment sont les gens, on sent s’ils sont vrais, justes. Par ailleurs, il est important de savoir ce qu’on veut vraiment, de se connaitre soi-même. En ce qui nous concerne, nous ne nous sommes pas posées la question, nous avions confiance d’emblée mais cela ne nous a pas empêché de connaitre des tensions.

 

« Même si vous étiez préparées à la création de votre entreprise,
avez-vous eu des surprises ? »

Surprises au niveau des charges sociales, du RSI. En ce qui concerne les salaires, c’est l’URSSAF et c’est beaucoup plus simple. Nous, nous ne sommes pas salariées, nous n’avons pas de fiche de paie, nous nous prenons une rémunération tous les mois et on doit déclarer combien on gagne. Nous sommes affiliées au régime social des indépendants. Ce qui assure la pérennité de l’activité c’est qu’on reste raisonnable. Quand on a démarré, on s’est payé tout de suite. Les allocations chômage étaient juste un complément. Commencer et ne pas de payer, ce n’est pas évident. Il faut à tout prix se payer même un peu, c’est comme une récompense.

 

« Comment avez-vous fait pour vous imposer dans ce milieu masculin ? »

Ca a mis des années. Il faut savoir rester humble, modeste et être professionnelles, ne rien lâcher. Il nous a fallu 5, 6 ans pour nous imposer vraiment. Quand ils nous ont vu arriver, ils se sont dit que ça n’allait pas durer, qu’ils allaient nous manger. Jusqu’en 2004 ça a été compliqué. Et quand nous avons fêté nos 5 ans, nous l’avons fait savoir. Nous étions déjà plus respectées. Idem pour nos 10 ans et maintenant nos 15 ans. Il faudrait désormais faire une grosse faute de gestion ou être totalement imprudente pour se planter ! Aujourd’hui, il y a un respect.

 

« Vos conjoints vous ont-ils soutenu ? »

On nous a souvent posé la question au démarrage. Oui, en effet, ils nous ont soutenus mais ils n’ont rien fait à notre place. Soutenir, c’est dire : « va y, lance toi, je te suis. » C’est un soutien moral qu’ils nous ont apporté. Dire qu’ils nous ont soutenus autrement, non.

 

« Comment s’est passée la période où vous avez eu vos enfants ? »

Marie-Rose – Nous avons eu nos enfants à tour de rôle ! Ce n’était pas volontaire au départ. C’est arrivé à un moment où je ne m’y attendais pas du tout, six mois après la création. Juste après mon accouchement, j’étais à l’hôpital, il y avait une infirmière devant moi et j’étais au téléphone à travailler avec Anne Sophie. Je me suis arrêtée de travailler le 15 décembre et j’ai accouché le 18. Il faut bien admettre que nous n’avions pas trop les moyens financiers pour être en arrêt. Le fait est qu’il fallait que ça tourne. Je me suis toujours dit qu’on trouverait bien des solutions.

 

Anne-Sophie – Et je me suis vengée après ! (Rires) Finalement, nous avons trouvé la même nounou, une personne qui correspondait à nos besoins. Nous avons couru davantage et nous avons embauché quelqu’un. Si on veut un enfant c’est aussi pour le voir et nous en avons fait une de nos priorités. Nous avons également changé les horaires de l’agence. Nous nous sommes rendues compte qu’ouvrir une heure de plus, ça ne servait à rien. Nous avons changé au fur et à mesure notre fusil d’épaule, nous avons intégré une nouvelle donne dans notre projet liée à notre vie familiale.

 

« Ce management au féminin et le fait d’avoir cette vie de famille en parallèle,
ne serait-ce pas devenu une force désormais ? »

Au tout début, c’était indisposant d’être une femme dans ce métier car comme je l’ai dit, c’est un monde d’hommes. Et après, ça s’est inversé, c’est devenu une force en effet. Nous demandons à nos clients comment vont leurs enfants et nous arrivons à mieux communiquer avec eux. Par contre, nos salariés savent aussi que nous sommes un peu « maternantes », sympas, et ils en profitent parfois ! C’est un atout, une force mais il faut savoir doser si non, ça peut poser des problèmes également.

 

« Comment avez-vous fait pour recruter ? Est-ce que les valeurs
que vous avez en commun ont joué un rôle à ce niveau là ? »

C’est par cooptation que nous avons trouvé nos salariés. Dans ce domaine, nous avons toujours décidé toutes les deux. Nous avons mis une fois une annonce dans un journal régional et ça n’a pas pris. Quand les gens sont cooptés par des personnes que nous connaissons, qui nous connaissent et qui connaissent donc nos valeurs, c’est plus facile. C’est très dur d’embaucher parce qu’on risque gros aussi. Nous avons des responsabilités. Déléguer, apprendre aux autres, faire confiance, c’est toujours difficile. Je délègue un risque mais le risque, ce n’est que moi qui le prends au final. Il n’y a pas de règles générales pour trouver le salarié adéquat.

 

« Qu’est-ce que vous recherchez chez vos salariés ? »

Quand on évolue en nombre – au début nous n’étions que deux, maintenant nous sommes 9 – il faut que chacun des salariés aillent dans le même sens que nous. On ne gère pas une équipe de 9 comme on se gère à deux. Il faut que le travail suive le fil conducteur qu’on a fixé.

 

« Pour ce faire, avez-vous établi une charte ou cela s’est-il fait au fur et à mesure dans votre façon de manager ? »

Ca s’est fait au fur et à mesure. Au début, nous formions chaque personne que nous embauchions avec nos critères. C’est un travail de longue haleine mais on est arrivé à ce qu’on voulait. Par la suite, ce sont les salariés les plus anciens qui ont pris le relais et c’est aussi ce qui a contribué à créer un esprit d’équipe qui fonctionne. Si l’équipe ne s’entendait pas, on ne pourrait pas avancer, les clients le sentiraient.

 

« Est-ce que vous ressentez les effets de la crise ? »

Non, cette année a été bonne. Nous avons l’avantage de travailler sur trois domaines : la location, la gestion et la transaction. Nous avons choisi un fonctionnement plus lourd qui demande beaucoup de travail mais qui permet de survivre en temps de crise. Cette année, il y a beaucoup de choses qui sont dites dans les médias et qui ne sont pas vraies. Il y a eu une baisse des prix mais ça ne veut pas dire qu’il y a une baisse des transactions.

 

« Comment voyez-vous que les gens vous font de plus en plus confiance ? »

C’était le but. On avait comme baseline au début : « notre ambition : votre tranquillité ». C’est ce que ça voulait dire : on veut que vous soyez tranquille, on s’occupe de tout et vous pouvez en profiter. On se rend compte que les gens viennent désormais en confiance dans la mesure où ce qui les amène c’est le bouche à oreille. On ne va plus chercher de clients, ce sont eux qui viennent vers nous. Mais il nous a fallu 10 ans pour arriver à cela. Le bouche à oreille c’est le meilleur médium mais il faut l’entretenir aussi, c’est le plus fragile.

 

16 juillet 2014

Visite de Chez Charlotte

Titre chez charlotte

 Photos blog Sophie et Charlotte

 

Chez Charlotte, un établissement convivial avec des produits de qualité

Charlotte –L’idée c’était de créer un lieu où je recevrais mes clients un peu comme à la maison, avec des produits assez simples parce que je suis complètement autodidacte mais de qualité. Je suis notamment spécialisée dans la tartine avec du pain Poilâne qui est un pain de la région parisienne fabriqué depuis des générations avec des procédés anciens. Chez Charlotte c’est aussi un lieu d’exposition, un lieu où on peut organiser des petites réunions, des soirées. J’ai reçu des jeunes créateurs qui ont animé des ateliers, on a fait des anniversaires, des ateliers culinaires pour les enfants. J’ai également un petit corner avec des spécialités et des produits cadeaux.

Sophie au naturel, des animations pour apprendre à consommer autrement

Sophie - Je fais des animations pour apprendre aux gens à faire eux-mêmes leurs produits ménagers, leurs produits cosmétiques. Je fais des animations sous forme d’ateliers, de conférences, de démonstrations et de formations. Le principe c’est que les gens viennent dans des centres sociaux, des collectivités, des entreprises, je ramène tout le matériel et les participants apprennent à faire eux-mêmes leurs propres produits. C’est très convivial, c’est sympa et mon objectif c’est de montrer qu’on peut consommer différemment de manière assez simple.

La naissance de l’idée

Sophie – Je suis maman de 3 enfants. Je travaille depuis une douzaine d’années dans le même poste. J’aime bien mon travail mais j’avoue que j’ai un peu fait le tour. Le fait d’avoir eu un troisième enfant a provoqué un déclic et j’ai eu envie de voir autre chose. J’ai donc décidé de concilier mon emploi salarié à mi-temps et la création d’une nouvelle activité.

Charlotte - J’ai été pendant 20 ans styliste dans le textile d’ameublement pour les usines de tissage à Paris et dans le nord de la France. Cette profession étant en difficulté j’ai réfléchi à une reconversion tardive. J’ai eu envie de me lancer dans un nouveau projet tout à fait autre que le textile et j’ai crée Chez Charlotte.

Les incertitudes du début

Sophie - Je travaille dans une structure d’insertion pour les jeunes, et une structure d’aide à la création d’entreprise. Donc j’avais un peu de connaissance sur la création d’entreprise, je savais comment faire. Mais quand il s’agit de son propre projet, malgré qu’on ait les compétences techniques, il y a toujours une peur qui persiste. J’avais beaucoup d’idées, je ne savais pas comment les canaliser et j’avais besoin de cadre, d’un petit coup de start-up pour me dire « va y, tu as des bonnes idées, fonce ! »

Charlotte - J’ai commencé seule devant ma page blanche et j’étais seule face à mes prises de risque. J’ai eu le soutien moral de ma petite famille mais sinon, j’étais isolée face à ce projet. Je pense qu’il faut avoir une grande part d’inconscience et un peu de folie aussi pour avancer parce que si j’avais réalisé tout ce que ça impliquait, je ne l’aurais sûrement pas fait. Maintenant je n’ai aucun regret, c’est une belle aventure

Se faire accompagner pour lever les appréhensions et pour maximiser ses chances 

Sophie - J’ai fait une formation à l’émergence de projet avec une association qui n’existe plus sous cette forme actuellement. Pendant une semaine, nous étions une dizaine de personnes et nous avons travaillé sur nos idées, sur la confiance en soi. Une deuxième aide qui m’a été et qui m’est toujours précieuse au quotidien, c’est le fait d’avoir intégré un espace de coworking. Il s’agit d’un plateau où plein d’indépendants travaillent les uns avec les autres. En face de moi, j’ai un infographiste, derrière moi, j’ai une personne qui est spécialisée dans la compta ou un informaticien. Nous échangeons nos compétences et ça m’a beaucoup aidé dans mon travail pour évoluer, diversifier mon réseau…

Charlotte - J’ai crée il y a deux ans. A l’époque j’avais le statut de demandeur d’emploi donc j’ai pu bénéficier d’une aide à la création d’entreprise. Au départ, je suis allée vers la BGE suite aux conseils du pôle emploi. J’ai monté mon dossier et j’ai suivi des formations presque jusqu’au bout. J’ai rencontré Initiatives Plurielles sur la fin de la conception de mon projet. Au sein de l’association, j’ai participé à des ateliers collectifs et j’ai rencontré Ahmed Bariz qui est mon conseiller. J’y ai trouvé un côté chaleureux qui me convenait bien.

 

Des besoins en financement variables selon le projet de création d’entreprise

Sophie - J’ai choisi de ne pas aller chercher d’aides financières. C’est une activité qui ne nécessite pas forcément beaucoup d’investissement au démarrage. J’ai donc fait avec les moyens du bord et après, ce que je gagnais comme argent, je l’utilisais pour financer des formations et du matériel. Au début, il s’agissait surtout d’autofinancement, le temps de mettre en route la structure.

Charlotte –J’ai eu des aides financières, j’ai dû monter un dossier. Ca m’a pris un an avec une année supplémentaire pour trouver le local. Ca a été le plus gros du travail. Finalement d’un projet moyen, c’est devenu un projet énorme parce que j’ai investi, j’ai fait les travaux avec des architectes, il fallait tout mettre aux normes. C’est passionnant mais l’activité est beaucoup plus difficile que je ne le pensais. Même si je suis cheffe d’entreprise, ce n’est pas encore évident par rapport à l’argent. J’aurais peut-être tendance à conseiller d’avoir les reins solides pour mener à bien ce type de projet.

 

Se constituer un réseau pour développer l’activité

Sophie – Parmi mes proches, il n’y avait pas ou très peu d’entrepreneurs. Je n’avais pas d’exemples de réussite à ce niveau là. Par contre j’avais un peu de réseau dans le domaine de la création d’entreprise. Ca a aidé. Le gros réseau d’entrepreneurs que j’ai développé c’est via cofactory, l’espace de coworking. Je pense que le réseau est indispensable pour avoir de la ressource au quotidien. Quand on a une faiblesse quelque part, par exemple en comptabilité, c’est important d’avoir quelqu’un autour de soi qui puisse répondre à cette problématique. Le réseau est porteur, il donne des ailes parce qu’il ouvre des portes, parce qu’il apporte des bonnes idées. Il ne faut pas rester seul dans son activité. Moi j’ai une petite particularité, c’est le fait d’avoir crée un blog. C’est une porte ouverte sur mon activité, c’est un phare sur l’activité. J’ai crée un énorme réseau via mon facebook et mon blog.

Charlotte – En ce qui me concerne, j’ai crée un réseau via les organismes qui m’ont suivi, par les réseaux sociaux et surtout par le marrainage, programme d’Initiatives Plurielles qui m’apporte beaucoup. Je bénéficie du professionnalisme de l’association et aussi de son propre réseau. Je me sens moins seule devant les questions auxquelles je ne sais pas répondre.

 

Concilier création d’entreprise et vie de famille

Sophie – J’ai trois enfants, un travail à mi-temps et une activité à développer. J’ai un travail salarié le mardi et le jeudi, je consacre les lundi et vendredi à mon activité et le mercredi, c’est pour les enfants. Aujourd’hui c’est comme ça, peut-être que demain ça évoluera différemment. Deux jours semaine pour mon activité, ce n’est pas suffisant, j’ai toujours des millions de choses à faire. Je travaille donc un peu le soir mais ce n’est pas contraignant parce que j’aime ce que je fais, c’est du temps de plaisir. Je fais des animations le week-end. J’essaie de les caler le samedi matin pour qu’elles n’empiètent pas sur la vie de famille.

Charlotte –Moi j’ai vraiment ciblé une clientèle de salariés du quartier et je travaille ici quotidiennement. Auparavant j’étais responsable de création, j’étais cadre et j’avais un emploi du temps bien plus lourd ! Finalement, aujourd’hui je me sens plus libre et plus autonome par rapport à cet emploi du temps, par rapport à la disponibilité avec ma famille, mes enfants. Par contre, créer son projet c’est 100% d’investissement quand même.

Sophie – J’ai fait le choix d’aller travailler dans un espace de coworking parce que quand on est à la maison on est vite submergé par les choses du quotidien, donc le fait d’aller travailler ailleurs, d’avoir des collègues, d’aller boire le café avec eux, ça permet une rupture, on ne reste pas à la maison.

 

La liberté que permet la création d’entreprise

Sophie – La liberté, c’est aussi ce qui m’a motivé : gérer son temps, être libre de faire ce qu’on veut, de travailler avec qui on veut. Si un jour je souhaite aller chercher mes enfants à 16h30, j’y vais, si je dois aller chez le médecin sur mes horaires perso, j’y vais. Malgré tout, j’ai beaucoup de travail mais je me laisse la liberté de gérer mon temps et d’avoir aussi du temps de plaisir.

Charlotte – En tant que salariée, je n’ai jamais pu aller chercher mes enfants à l’école. Jamais. Sauf le jour où j’ai été remerciée. Donc aujourd’hui, c’est finalement plus confortable en termes de gestion des temps.

 

Une journée type en tant que cheffe d’entreprise.

Sophie – Dans la journée type, il y a un énorme travail de préparation. Une heure de préparation pour une heure d’atelier. Après il y a  les courses pour les ateliers. Ca prend plus de temps que ce que je ne l’aurais pensé. Il y a également la partie administrative : devis, facture, montage de projet. Comme je n’ai que deux jours semaine, j’essaie au maximum d’éviter les RDV client en face à face et je les gère par téléphone sauf quand il il s’agit de nouveaux clients. La dernière partie du métier va être l’animation d’ateliers ou de conférences. Je n’ai pas de lieu physique, j’interviens de façon nomade dans les différentes structures, je ramène mon matériel. J’ai la chance d’avoir un blog qui fonctionne bien et aujourd’hui, le blog fait la prospection à ma place. J’ai beaucoup de sollicitations via ce blog.

Charlotte – Moi je suis assez multi-casquettes. J’arrive le matin, je fais les courses, la préparation, je fais les plats, le midi il y a le service, l’après-midi il faut débarrasser. En gros, la journée il y a toutes les activités de la restauration, et le soir je fais de l’administratif, ce qui est assez simple tout de même.

 

Les embuches d’une femme créatrice d’entreprise

Sophie – J’ai un métier qui est très féminin, c'est-à-dire que 95% des gens pour lesquels j’anime mon atelier sont des femmes donc je n’ai pas forcément eu de problèmes avec le fait d’être une femme cheffe d’entreprise. C’est plus dans la posture que ça s’est joué. Au début, j’ai payé la formation avec mes sous sans le dire à personne alors que j’aurais pu aller chercher des financements pour sa prise en charge. C’est peut-être plutôt sur l’aspect confiance en soi que la problématique se pose. J’avais besoin de gagner en confiance avant de pouvoir exposer mes idées à mon entourage proche ou à mes collègues de travail.

Charlotte – J’avais l’habitude de défendre des projets, même à l’étranger, devant des hommes. Donc je n’ai pas ressenti de problème par rapport à cela. Je suis allée toute seule voir les banques. La difficulté que j’ai rencontrée liée au fait d’être une femme s’est posée lors de la recherche du local. J’aurais aimé reprendre un commerce, et finalement les restaurants qui étaient à céder étaient tous dans une même agence, que je ne citerai pas par correction, et j’ai vraiment réalisé qu’elle ne les donnait qu’aux hommes alors même que mon pouvoir d’achat était parfois supérieur. A ce moment là, j’ai vraiment ressenti un mur, je me suis même qu’il fallait que je cherche autrement.

 

Des recommandations pour les futures créatrices

Sophie –Quand on crée son entreprise, il faut s’entourer, aller chercher des gens en qui on a confiance, des personnes bienveillantes. Dans votre entourage il y aura des gens jaloux, des gens qui vont dénigrer ce que vous ferez. Ceux là, on les met de côté et on avance avec ceux qui nous font du bien et qui nous donnent des ailes. Il faut avoir l’humilité d’aller chercher la ressource là où elle est. C’est le choix que j’ai fait au démarrage. Même si je savais comment faire un buisines plan, j’avais besoin de confiance en moi et d’avancer là-dessus. Se faire accompagner permet d’aller plus vite et plus loin.

Charlotte – Il faut être costaud par rapport à ses idées, avoir confiance en soi, c’est important. C’est vrai que les activités peuvent être en dents de scie, plus difficiles qu’on ne le pense, et j’aurais tendance à conseiller d’assurer ses arrières en cas de réussite plus lente. D’avoir une petite soupape. Il faut rester positif.

 

LES ECHANGES AVEC UN PUBLIC DESIREUX D'EN SAVOIR PLUS

 

Question 1

Sophie – Il y a plein de parcours différents, plein d’histoires de vie qui font qu’il y a des opportunités et des freins spécifiques. Ca dépend de chacun, on ne peut pas donner de réponse blanche ou noire. Il faut surtout bien travailler sur son projet en amont. Au mieux on prépare son projet, au mieux on est armé. Moi je pars du principe que chacun a sa chance à partir du moment où on s’en donne les moyens. Il faut être bien entourée, avoir de bonnes idées et trouver le bon moment. Il faut essayer.

Charlotte – Je pense que ce qui importe aussi, c’est la taille de votre projet, si vous visez un lieu, tout dépend des emprunts dont vous aurez besoin. Moi par exemple, j’ai crée toute seule, mon mari n’est pas du tout dans l’affaire, mais le fait qu’il soit salarié depuis X années a rassuré les banques. Je crois qu’on ne m’aurait pas prêté de la même manière si j’avais été seule. Tout dépend de la dimension du projet.

Question 2

 

Sophie – Des modes de financements, il en existe beaucoup, divers et variés, adaptés à différents types de public. Pour des projets avec gros potentiel de développement il y a des financements type business angel avec des prêts spécifiques. Pour les petits projets ou même pour les gens qui ont des difficultés financières, il existe des structures qui accompagnement financièrement sous forme de micro crédit. Le principe c’est de donner à des créateurs à potentiel la chance de développer leur activité et de rembourser par la suite selon leurs capacités financières. Il ne faut pas vous mettre de freins à ce niveau là. En travaillant sur vos initiatives, il y a possibilité de trouver des ressources financières selon vos besoins ou de redimensionner votre projet selon vos capacités financières. Je ne dis pas que c’est facile mais ce n’est pas impossible.

Question 3

 

Sophie – Il y a une réalité : il faut gagner suffisamment d’argent pour couvrir les dépenses. Moi par exemple, je dois acheter mes produits, à l’époque j’achetais beaucoup de livres, je payais des formations et c’est long avant d’avoir de la clientèle. Dans mon cas, c’est long parce que c’est novateur. Donc j’ai préféré réinvestir ce que je gagnais dans mon développement plutôt que dans ma rémunération. Je pouvais le faire parce que j’étais à mi-temps salariée, à mi-temps en congé parental. J’avais l’aide du congé parental qui me permettait de ne pas être dans l’obligation de me rémunérer. Ce n’est pas une somme énorme mais j’ai fait ce choix parce que j’étais passionnée par ce que je faisais. C’est aussi un choix familial parce que les revenus ne sont pas ceux d’un salarié à tps complet. Aujourd’hui je commence à me rémunérer parce que mon activité tourne régulièrement.

Question 4

 

Sophie – Quand vous êtes au chômage ou au RSA, il y a un maintien des allocations au démarrage de la création d’entreprise. Il ne faut pas penser qu’il n’y a plus rien du jour au lendemain. Créer mon entreprise m’a permis de développer une bonne confiance en moi, dans la vie en général et au niveau professionnel. On apprend sur le terrain à vendre son projet, à gérer la partie communication, à développer des compétences en comptabilité. Ces compétences s’acquièrent au fur et à mesure de l’évolution du projet. Chez Initiatives Plurielles, il y a des ateliers spécifiques qui sont animés par des coachs professionnels et qui permettent de travailler sur la confiance en soi. 

Question 5

C’est un peu le principe du statut d’auto-entrepreneur. L’intérêt c’est qu’il est adapté aux gens qui veulent tester une activité et à ceux qui sont salariés et qui veulent développer une activité en parallèle. Si on a zéro chiffre d’affaires, alors on ne paie pas de charges sociales, ni d’impôts. On commence à payer des charges en fonction de ce que l’on gagne. Moi j’étais salariée à temps plein. J’ai été en mi-temps durant mon congé parental et j’ai fait le choix de rester en mi-temps salarié. Autrement dit, j’ai quand même pris le risque de perdre la moitié de mon salaire.

 Question 6

 

Je vous avouerais que je ne suis pas très bonne en chiffres donc j’ai choisi de faire appel à un comptable à qui je communique tous les éléments nécessaires sur mon activité. On n’est pas forcément bon dans tout et à ce niveau là, je sais que je ne suis pas bonne. C’est donc un cabinet extérieur qui s’en occupe. 

Question 7

 

J’ai cherché différemment. Au lieu de ne chercher que dans les agences, je suis aussi allée vers les particuliers et j’ai rencontré la personne qui vendait ce local. Il n’y a pas eu d’intermédiaire. Je suis quelqu’un d’assez indépendante et ça me convenait mieux finalement.

Question 8

 

Ce n’est pas ouvert, sauf lors d'événements. Je participe à tous les événements roubaisiens : la nuit des arts, le week-end du patrimoine… et j’essaie aussi de créer mes propres petits événements avec des expositions pour lesquelles on organise une inauguration les jeudis soirs. Le succès peut être différent selon l’artiste. On essaie de croiser les réseaux, l’artiste communique sur l’évènement et moi aussi. Du coup, dans ces circonstances, je suis ouverte le soir. De plus, j’ai déjà ouvert certains soirs pour des groupes, à la demande: j’ai déjà fait un départ en retraite par exemple, ils étaient environ 25, on avait fait un plat unique. C’est très varié mais mon quotidien est assez organisé quand même.

 

Question 9

 

Ma petite phrase fétiche c’est : un peu d’ici, un peu d’ailleurs. Pour moi, le fil conducteur de Roubaix, c’est le multiculturalisme, c’est pour ça que je me suis installée ici, c’est ce qui me plait. Je peux proposer un jour un potchevlesche qui est une spécialité régionale que j’achète à un artisan, je peux faire une carbonnade maison mais je peux aussi faire un tajine, un poulet Thaï. Je ne me donne pas de règles ! J’en ai eu assez par le passé. À Roubaix il y a une grande richesse puisque j’ai un fournisseur de produits méditerranéens, de produits asiatiques et il y a des marchés sympas également.

 Question 10

 

Sophie - Quand on crée, c’est important d’avoir une vraie source de motivation. Quand on est entrepreneur, ce n’est pas linéaire, il y a des hauts et des bas. Pour ma part, je pense que c’est important de ne pas créer par dépit mais de créer parce qu’on a des valeurs à défendre. Moi, ma motivation ça a été mes enfants et la santé de mes proches, et quand j’ai un coup de mou, je me souviens de ça. C’est ce qui va me porter, qui va faire que je vais passer le cap.

23 juin 2014

Visite de Promesse de fleurs

Compte-rendu VE 1606

 

Blog Anne-Sophie Verhoeke

 

Un intérêt pour les petites entreprises

J’ai 41 ans, je suis originaire de la région, j’ai fait une école de commerce Sup de Co Amiens en option finances et je me suis dirigée tout de suite vers la PME. C’est ce qui m’intéresse. Je ne me voyais pas dans un grand groupe, avec une activité très ciblée. J’avais besoin d’avoir une vision plus large de l’entreprise, comme celle qu’on a en PME.

Un parcours formateur

J’ai été embauchée comme assistante marketing dans une PME en développement, basée dans la Région, qui comptait une 30aine de salariés. Ca a été une vraie opportunité, on m’a ouvert des portes très rapidement. Il y avait des choses à faire dans cette entreprise sur des projets de développement et on m’a donné les clés, on m’a donné ma chance alors que je n’avais pas encore d’expérience sur ces postes. Ca m’a permis d’acquérir rapidement de l’autonomie, de l’initiative.

Une expérience dans le salariat en matière de reprise d’entreprise

Ce qui a été pour moi le tournant c’est que l’entreprise dans laquelle je travaillais a repris une entreprise concurrente. C’est moi qui m’en suis chargée. Ainsi, en tant que salariée j’ai eu une expérience de reprise. C’était délicat puisque dans ces circonstances, on n’est pas toujours bien accueillie par les salariés qui sont repris. Cette expérience m’a permis de me prouver des choses. Elle m’a donné de la confiance par la suite dans le cadre d’un projet entrepreneurial.

Une expérience dans le salariat en matière d’encadrement et de management

C’était également ma première expérience d’encadrement. On m’a lâché dans le grand bain. Pour moi ça a été un challenge. En plus, ça coïncidait avec mon départ en région parisienne, j’étais isolée de ma famille, de mes amis. Ca a été un challenge, ça m’a motivé mais ça m’a aussi permis de ressentir la solitude du chef d’entreprise. Même si j’avais des comptes à rendre à ma société mère, je me retrouvais toute seule au quotidien sur les décisions de l’entreprise face à mon personnel. Il y avait une équipe de 10 à 15 personnes que je devais gérer.

Une expérience dans le salariat en matière de développement d’entreprise.

J’étais intéressée par la PME, le conseil, le développement, donc par la suite, j’ai été recrutée par une société de capital investissement qui cherchait à investir dans des petites sociétés. Ca m’a permis d’analyser des sociétés en termes financiers. Ca m’a apporté des compétences pour mon futur projet de création d’entreprise. La dernière expérience professionnelle que j’ai eue avant de sauter le pas, c’était le développement d’une chaine d’accessoires de mode. Quand je suis arrivée, il y avait un magasin et quand je suis partie il y a trois ans, il y en avait quatre. J’ai pris en charge leur développement : recherche de l’emplacement, recrutement, mise en place, référencement, etc.

L’envie de sortir du salariat et de se mettre à son compte

Compte tenu de toutes ces expériences, j’avais les clés pour me lancer. Auparavant, lorsque j’étais salariée, même si j’étais dans un cadre entrepreneurial assez autonome, je ne pouvais pas avoir la décision stratégique pour l’entreprise. Et on n’est pas toujours à 100% d’accord avec les décisions stratégiques de ses employeurs. C’est ce qui m’a motivé à avoir ma propre structure pour pouvoir maitriser les orientations et pour avancer dans le sens que je souhaitais.

Le choix de la reprise d’entreprise

Quand j’ai pris cette décision, je me sentais plus à l’aise sur une reprise d’entreprise. Je ne me voyais pas partir de zéro. Déjà, j’avais une expérience, en tant que salariée, de reprise d’entreprise. Et puis, c’était globalement plus simple. Ca me permettait d’avoir déjà des acquis, une base, une certaine sécurité et de mieux maitriser le développement de l’entreprise.

La préparation à la reprise

Comme je me dirigeais vers la reprise d’une entreprise, je me suis inscrite au BRE (Bureau de rapprochement des entreprises) à la CCI de Lille à une formation de 5 jours qui s’appelle « cinq jours pour reprendre ». Ca permet vraiment de déterminer votre motivation, la manière dont vous allez cibler vos recherches, la manière dont vous allez établir le financier… Le BRE a également comme mission d’aider les entrepreneurs à bien réaliser la vente de leur entreprise. Il va les mettre en relation avec des repreneurs. Ils ont une liste d’entreprises susceptibles d’être cédées.

Le choix de l’entreprise, l’envie de relever un challenge

Je cherchais des boîtes à reprendre et j’avais regardé une société qui s’appelait « Schrive Jardin » qui faisait de la vente à distance de plantes pour le jardin. Pourquoi j’ai regardé cette société alors que je n’avais jamais travaillé dans le végétal ? Tout simplement parce que les plantes, c’est une passion loisir pour moi. Je me suis dit : quitte à passer tout mon temps dans ma boîte, autant que ce soit sur un secteur qui m’importe. C’était une petite boite en léger déclin puisque les propriétaires approchaient de l’âge de la retraite. Ils n’avaient plus forcément l’élan pour faire les changements nécessaires. Le catalogue représentait 99% de leur chiffre d’affaires et internet ce n’était que 1%. Or, on sait très bien que le développement passe par celui d’internet.

La rencontre d’un partenaire

Lors de la formation du BRI, nous étions une dizaine de personnes, j’étais la plus jeune. Nous avons sympathisé et j’ai fait la connaissance de Pascal. Lorsque nous avons abordé l’aspect financier, Pascal a vu, au cours des échanges, que je maitrisais le sujet. Dans un esprit de coopération, il m’a dit qu’il avait identifié une boîte qui l’intéressait et qu’il voulait que je lui donne mon avis sur l’aspect financier. Il se trouve que cette boîte, c’était celle que j’avais moi aussi regardé. Je le lui ai dit et j’ai ajouté que je l’avais mise de côté parce que je n’avais pas l’expérience internet. Et lui au contraire, il avait ces compétences web puisqu’il avait monté le site de vente de surcouf.com qui à l’époque était précurseur informatique.

S’associer dans le cadre de la reprise de l’entreprise

Pascal devait rencontrer Monsieur et Madame Schrive. Il ne voulait pas être seul et m’a demandé de venir avec lui. Ainsi je me suis progressivement intégrée à son projet. Un mois plus tard, après une deuxième rencontre avec les cédants, il m’a proposé de m’associer avec lui. Ce n’était pas quelque chose que j’avais envisagé. Je me sentais suffisamment armée pour faire ça seule. Les différentes motivations qui ont conduit à ce que je m’associe avec lui sont les suivantes : pouvoir accéder à un projet plus important en partageant le capital,  avoir des compétences complémentaires pour réaliser ce projet, et puis aussi ne pas ressentir la solitude du chef d’entreprise. Pascal comme moi, nous avions ressentis cette solitude dans nos expériences précédentes et nous savions que le fait d’avoir un « miroir » en face de soi pour discuter les décisions, c’était quelque chose d’important.

Se mettre d’accord sur les valeurs de l’entreprise et prévoir les imprévus

Il y a des choses qui sont importantes quand vous avez envie de vous associer avec quelqu’un, c’est déjà de vérifier vos valeurs respectives : qu’est-ce que vous avez envie de faire de cette entreprise ? Qu’est-ce que cette entreprise représente pour vous ? Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il faut juste qu’il y ait une adéquation entre ces réponses. Est-ce que mon objectif est de développer mon entreprise et dans 3 ans, m’en aller en prenant l’argent ? Est-ce que mon objectif c’est d’être toujours dans cette même entreprise dans 10 ans ? Est-ce que je veux la développer rapidement ? Ou plus posément ? Il faut vérifier qu’on est bien sur la même longueur d’onde. Il faut aussi prévoir, anticiper ce qui peut se produire dans l’avenir : qu’est-ce qui se passe si tu meurs ? Qu’est-ce qui se passe si je divorce ? Qu’est-ce qui se passe si on ne s’entend plus ? Le fait d’avoir vu tous ces sujets avant et de les avoir réglé, ça apaise ensuite la relation entre associés.

Ne pas occulter la question de l’argent

Il y a des questions d’argent qui se posent également. Quelle est le partage de la valeur qu’on veut avoir ? Est-ce que l’argent que va gagner cette entreprise on veut le prendre pour soi ? Est-ce qu’on veut le réinvestir dans l’entreprise ? Qu’est-ce qu’on veut partager avec les salariés ? Est-ce que dans 5 ans on veut mettre en place un intéressement pour les salariés ou non ?

Le lancement de l’entreprise

Nous avons repris l’entreprise en 2008. Nous avons monté le projet en mars / avril 2008. Au mois de juin tout allait bien. Nous avions obtenu un prêt d’honneur auprès de LMI. Et nous avions contacté autonomie & solidarité parce que nous ne savions  pas trop si nous allions pouvoir boucler notre financement. Nous avions des projets de développement, il était important pour nous d’avoir des liquidités supplémentaires. Nous étions très intéressés par leur projet, leur manière de voir les choses, c’était en phase avec notre volonté d’entreprise. De leur côté, les banques étaient d’accord.

Savoir bien s’entourer pour dépasser un contexte global parfois défavorable

En septembre, on devait commencer à débloquer les fonds et là arrive la crise de Lehman Brothers : plus personne ne bouge dans les banques, plus de son, plus d’image. Le fait d’avoir autonomie & solidarité qui allait entrer dans notre capital et d’avoir LMI à nos côtés a été déterminant. Ils ont appelé les banques pour leur dire qu’ils ne comprenaient pas qu’elles restent inactives alors qu’elles avaient donné leur accord. Sachant que nous sommes dans une activité très saisonnière, retarder la reprise de trois semaines signifiait d’importantes répercussions sur notre chiffre d’affaires. Par ailleurs, j’ajouterais que le comité de sélection d’ autonomie & solidarité nous a apporté un regard très intéressant. On nous a posé des questions que personne d’autre ne nous avait posées.

De l’importance d’être accompagnée dans son projet de reprise ou de création

Aujourd’hui autonomie & solidarité est sortie de notre capital. Avant cela nous avons bénéficié d’un accompagnement. Ca a été un temps pour nous durant lequel on pouvait se poser. On a connu une très forte croissance. En cinq ans, on a quadruplé le chiffre d’affaires, on a toujours un peu couru après le temps. Le fait d’avoir ces RDV, ça nous obligeait à prendre du recul, à se demander où on en était, qu’est-ce qu’on avait fait depuis la dernière fois. C’est un apport majeur dans la mesure où il y a un effet miroir. Ca permet de prendre de la hauteur sur son entreprise, d’avoir le regard de quelqu’un d’extérieur et de bienveillant. Ca nous permet de nous poser les bonnes questions au bon moment.

L’importance du réseau quand on reprend/crée une entreprise

Autonomie & solidarité a un réseau dans différents secteurs. Au moment où vous avez besoin d’une compétence, ils peuventvous donner un contact au niveau juridique, social, etc. En ce qui nous concerne, l’entreprise était située à Bailleul, chez les propriétaires. Nous devions donc nous en aller. En plus, comme nous étions en forte croissance, il nous fallait des locaux plus grands. Mais il ne fallait pas non plus trop s’éloigner de Bailleul. Trouver des locaux avec des serres, un entrepôt, bien desservis, dans cette zone géographique précisément, c’était difficile ! D’autant plus que nous n’avions aucun contact dans le milieu agricole. C’est par le biais d’autonomie & solidarité que nous avons rencontré une personne qui maitrisait bien tout ce qui était domaine agricole et qui, par ses relations, nous a fait connaitre l’endroit où nous sommes actuellement. 

LES ECHANGES AVEC UN PUBLIC DESIREUX D'EN SAVOIR PLUS

Question 1

Moi je me suis associée avec quelqu’un que je ne connaissais pas, ou très peu. Nous avions juste travaillé ensemble quelques mois sur le projet de l’entreprise avant de s’associer. Certaines personnes m’ont dit que j’étais folle. Après, chacun prend la mesure de ses risques. Je ne suis pas persuadée que ce soit plus facile de s’associer avec quelqu’un qu’on connait. On a plus de difficulté à se dire les choses. Or, ça peut vite devenir très compliqué dans l’entreprise en cas de problèmes. Il faut comprendre que quand on est associé, on perd tous les liens : conjoint, amis, parent. Quand je ne suis pas d’accord avec mon associé, il n’y a pas d’affect. Dire à l’autre qu’on n’est pas d’accord avec lui, ce n’est pas dire qu’on ne l’aime pas.

 

 

 

Question 2

 

On a une activité très saisonnière mais actuellement on a 8 CDI. Quand on a repris, il n’y avait que 1 ½ CDI. En saison, nous pouvons monter jusqu’à 15 à 20 personnes. On a misé aussi sur un côté plus souple en termes de frais fixes. Il y a pas mal de compétences d’encadrement qui sont externalisées avec des freelance ou des auto-entrepreneurs. Par exemple, la personne qui m’aide à faire le catalogue est freelance, elle travaille avec nous régulièrement 4 mois par an sans être intégrée à l’équipe. Au niveau informatique, c’est pareil, on a un développeur informatique qui travaille pour nous mais il est freelance. 

Question 3

 

Je pense qu’il faut avoir chacun ses domaines de compétences pour qu’on sache vraiment qui fait quoi. Nous nous sommes répartis les équipes, moi par exemple je m’occupe du service commercial, Pascal s’occupe plutôt de la logistique. Il faut être sûr de sa relation avec l’autre. Il faut que chaque équipe sache bien à qui elle doit rendre compte pour éviter de faire passer des messages contradictoires.

Question 4

Oui. On a des entretiens tous les semestres et nous essayons de les faire évoluer. Ce n’est pas forcément évident parce qu’on est sur un secteur où les gens n’ont pas été habitués à être intégrés à la stratégie de l’entreprise. La première fois qu’on a organisé une réunion, ils étaient tétanisés, ils pensaient qu’on allait leur annoncer une mauvaise nouvelle, alors que nous, on voulait juste leur présenter les orientations de l’entreprise, les pistes d’évolution. On a envie d’intégrer les équipes et de les faire évoluer au sein de la structure, chacun à leur rythme et en fonction de leurs compétences.

Question 5

C’est à 97% des particuliers. Nous sommes présents sur toute la France, un peu moins représentés sur le sud de la France parce que les plantes que nous proposons s’adaptent moins bien au climat méditerranéen. Mais sinon on a une bonne représentation dans tout le territoire. On est plutôt sous-représenté dans le NPDC. Compte tenu de la concurrence des jardineries belges, on perd des parts de marché sur la région.

Question 6

Le fait qu’on ait des plantes qu’on ne trouve pas forcément ailleurs, c’est un bon argument. Les gens n’ont pas le choix, s’ils veulent une plante, ils vont l’acheter chez nous. C’est une porte d’entrée qui va les inciter à revenir par la suite. Il y a des gens qui ont des réticences à se faire livrer des plantes dans un carton mais une fois qu’ils voient que ça se passe bien, que les emballages proposés  sont de bonnes qualité, ça les rassure.

Question 7

 

Oui. C’est une très bonne question parce que nous, on est sur un marché qui est celui de la vente à distance où il y eu une espèce de surenchère : « un acheté, trois gratuits ! » Ca revient à dire : on ne vend plus de la plante, on vend de la remise. On s’est dit que si on partait là dedans, on n’allait pas s’en sortir. De toute façon ce n’était pas l’objet du fond de commerce qu’on a racheté, l’objet c’était de livrer des plantes de qualité à des connaisseurs. Donc nous ne sommes pas du tout partis dans un système de remise. Les frais de port, les clients les paient. On fait des cadeaux à nos clients fidèles, ce qui est normal. On fait des soldes de fin de saison, ce qui est normal aussi. On a choisi de rester sur un positionnement moyen-haute gamme.

Question 8

On avait un capital de 75000 euros plus les 5000 euros d’autonomie & solidarité. Et on a eu un prêt de 150000 euros qui était la valeur du fonds de commerce de l’entreprise. Nous avons mis 1/3 de la somme. Il faut faire attention à la caution. Les banques vous en demandent souvent quand vous faites des prêts. Des organismes comme Oséo peuvent intervenir pour garantir votre prêt mais ils n’interviennent pas forcément sur 100% de sa valeur. Au final, nous avons obtenu notre emprunt sans garantie. C’est assez rare mais qui ne tente rien n’a rien. 

Question 9

 

Bien sûr. C’est comme une création. On a fait une étude de marché sur la concurrence, sur les bonnes pratiques dans le métier, sur l’évolution du marché du jardin, sur l’évolution de la part internet dans le métier… La reprise n’est pas un long fleuve tranquille, mais on croyait tellement en ce projet qu’on s’était dit : si ça ne marche pas, ce n’est pas grave, on créera. On avait le sentiment qu’il y avait vraiment une place à prendre sur ce marché. Il n’y a pas de différence entre une reprise et une création à ce niveau là. La reprise, ça peut rassurer les banques parce qu’il y a déjà un historique mais il faut aussi une mise de départ plus importante.

Question 10

Nous, on en a vécu dès la première année. Il fallait que l’entreprise soit viable. Sur une création, c’est sans doute plus difficile de se dire qu’on va en vivre bien la première année. Nous avons bénéficié de l’ACCRE, nous percevions notre allocation chômage. Nous ne nous sommes donc pas versés de rémunération sur l’entreprise la première année. Si nous l’avions fait, nous n’aurions pas eu les mêmes niveaux de rémunération que nous avons maintenant, nous avions prévu une progressivité. On n’imaginait pas avoir une entreprise rentable seulement au bout de 4 ans. Je pense qu’il est important de se demander « Quelle est la rémunération minimum dont j’ai besoin pour couvrir mes frais personnels ? » Et « Qu’est-ce qui se passe si mon entreprise ne peut pas continuer à me payer ? » Il faut voir les bons côtés mais il faut aussi savoir anticiper les mauvais.

Question 11

 

Nous sommes plutôt sur un marché légèrement décroissant. Cela ne nous empêche pas de progresser. Il faut juste trouver la niche où ça progresse, même si vous êtes sur un marché difficile. Après je trouve qu’il est faux de dire qu’on n’est pas aidé. Nous, nous avons touché l’ACCRE. Quand on vous verse une allocation pendant un an et que durant cette période, vous savez que vous pouvez développer tranquillement votre entreprise, c’est une sécurité non négligeable. Par ailleurs, on a été aidé par LMI, Nord Entreprendre, autonomie & solidarité. L’aide, si vous la demandez et si vous être convainquant, vous allez l’obtenir.

Question 12

Je pense qu’en France, on a un état d’esprit qui n’autorise pas le droit à l’erreur quand on crée une entreprise. Dans les cultures anglo-saxonnes, on peut très bien monter un projet et si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas grave, on en monte un autre. On prend un risque, il peut être gagnant ou perdant. Si on perd, ce n’est pas pour autant qu’il faut penser qu’on a été mauvaise, que c’est fini, qu’on ne recommencera plus jamais. Il ne faut pas y mettre une pression extraordinaire. Vous pouvez passer votre temps à essayer d’optimiser votre entreprise pour payer moins de charges, moins d’impôts mais est-ce que c’est ça votre projet de création d’entreprise ? Ou est-ce que votre projet c’est de développer votre activité et faire aboutir votre projet ?

Question 13

 

Pour moi, c’est difficile à dire. J’ai toujours eu du mal à faire des projets sur le long terme. J’ai souvent changé d’activité. Je ne sais pas si je serai encore dans mon entreprise dans 10 ans. Si j’en ai l’envie, oui. Je l’ai dit à mon associé dès le départ. Lui, il est un peu plus âgé, et il imagine plus se poser. 

Question 14

C’est une réussite personnelle. Avoir prouvé que j’en étais capable, même si je le savais ! Pour moi, ce n’est pas important d’avoir ma tête dans la Voix du Nord. Quand j’ai signé mes premiers CDI avec mes employés et que je me suis dit « voilà, j’ai crée un emploi », quand ces personnes me disent après « je vais me marier » ou « je vais m’acheter une maison » j’ai la sensation d’avoir réussi. Le fait de créer une synergie comme celle-là avec les équipes pour moi, c’est important. Et il y a les plantes. Quand je me balade dans les serres, c’est plus sympa pour moi que si j’étais dans une usine industrielle. 

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