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Nathalie-Cayet

Nathalie Cayet, créatrice de l’entreprise « Du temps pour moi », reçoit le public au sein de la maison des associations de Roubaix pour échanger sur son parcours d’entrepreneure, sur sa création, sur ses erreurs et ses réussites, sur son expérience… Une trentaine de femmes assistent à la visite.

La création de l’entreprise

Du Temps pour Moi, c’est une entreprise que j’ai créé en 2004. J’ai quitté un emploi salarié en 2003. A l’époque, quand j’ai créé mon activité, il y avait très peu de structures similaires. Je crois qu’il y avait dans la région moins de 80 entreprises d’aide à la personne sachant que la plupart d’entre elles travaillaient surtout pour l’assistance aux personnes âgées. Très peu avaient investi le secteur de la garde d’enfants. J’ai créé à ce moment là, dans un contexte où on entendait peu parler de l’activité.

L’entreprise aujourd’hui

Aujourd’hui, nous sommes spécialisés sur toutes les prestations de garde d’enfants au niveau de la métropole lilloise. En termes de volume, nous avons 260 nounous en poste. Ce qui représente 180 ETP. Nous avons une particularité du fait du mode de fonctionnement que nous avons choisi : nous travaillons surtout sur de la garde d’enfants à temps complet. Nous recrutons beaucoup de personnes diplômées dans le secteur de la petite enfance, qui vont travailler 35h par semaine, voire plus. Depuis que nous existons, 1500 contrats environ ont été établis.

L’équipe de l’entreprise « Du Temps Pour moi »

A l’agence, nous sommes actuellement 6 personnes dont moi. 4 d’entre elles ont la responsabilité d’un portefeuille de clients donc qui gèrent la relation entre les nounous et les familles et toute la partie administrative, il y a une salariée qui n’est là que pour faire du recrutement et une autre pour la gestion administrative.

Une formation initiale marquée par un intérêt pour les problématiques sociales

Je fonctionne par coup de cœur. Je suis historienne de formation. Je m’étais spécialisée en histoire économique parce que les problématiques sociales m’intéressaient. Mais c’était flou dans mon esprit. Petit à petit je me suis rendue compte que les ressources humaines m’attiraient. Je me suis reconvertie vers les ressources humaines. Le premier stage que j’ai trouvé était en grande distribution. A l’issue de celui-ci on m’a proposé de m’embaucher.

Une première expérience professionnelle qui confirme certaines valeurs

Ma première expérience professionnelle a été un véritable cadeau. C’était au sein d’une petite chaine de magasins qui aujourd’hui n’existe plus. C’était une société familiale. J’ai adoré ce métier : l’aspect commercial, les échanges, le travail d’équipe. J’ai commencé à nettement moins l’aimer quand on a été racheté. Je ne m’y suis plus retrouvé, ce n’était plus mes valeurs, c’était trop grand pour moi. Je ne voulais pas travailler pour un grand groupe.

Une seconde expérience professionnelle qui se solde par une déception

J’ai recherché un autre travail et je suis entrée dans une petite entreprise de la Région. A priori elle m’allait bien puisqu’elle était à taille humaine et en fort développement. J’y ai travaillé pendant 3 ans. Une première année avec grand bonheur. Ensuite, suite à des difficultés, l’entreprise a du licencier. Bien qu’il s’agisse d’un mal nécessaire, je n’ai pas apprécié la façon de faire de la direction. L’objectif était de tout faire pour donner envie aux collaborateurs de partir. Pour moi, c’était juste insupportable.

L’envie de créer sa propre entreprise qui s’impose progressivement

Ma dernière expérience professionnelle a été un traumatisme mais je n’ai pas créé mon activité à cause de cela. J’ai toujours eu un problème avec l’autorité. Obéir à mes patrons c’était dur parfois, notamment lorsque je n’étais pas d’accord avec eux. Je me suis alors dit que l’idéal était de créer ma propre structure mais je n’avais pas d’idée particulière. J’aimais mon métier mais je ne savais pas dans quel contexte j’allais pouvoir l’exercer. Le discours social, ce n’est pas toujours facile de le faire entendre en entreprise.

La naissance de l’idée

Et un jour par hasard, en lisant le journal dans l’avion, je suis tombée sur un article qui traitait des métiers qui allaient être en carence dans les 10 prochaines années. Les tout premiers métiers cités étaient ceux d’aide à la personne. J’ai lu cet article avec intérêt. En plus, j’avais eu la bonne idée de tomber amoureuse d’un père qui avait la charge de ses trois enfants, et on en avait un quatrième. On s’était donc organisé pour avoir une nounou à domicile. C’était artisanal, j’avais essayé de rédiger un contrat de travail qui tenait la route. Mes amies me demandaient des conseils et en ¼ d’heure de temps, l’idée m’est venue. Je me suis rendue compte que c’était un secteur porteur, qu’il y avait un besoin.

La mise en pratique de l’idée : quand on saute le pas

D’un côté on avait des gens démunis, qui cherchaient une nounou mais qui ne savait pas comment faire et de l’autre on avait un vrai métier donc des personnes qui attendaient un vrai contrat de travail, des vraies fiches de paie. Je me suis alors dit « pourquoi ne pas tenter cette aventure là ? » Cette idée s’est imposée fin 2002. Le clash avec mon entreprise est arrivé au printemps 2003 et je l’ai quittée avec un chèque. J’ai négocié mon départ tout en recherchant une solution pour me faire accompagner dans mon projet. Et je me suis lancée.

L’importance de se faire accompagner quand on n’a pas d’entourage entrepreneurial

Je n’avais pas de chef d’entreprise dans mon entourage. Je ne savais pas comment ça fonctionnait. Je suis allée au Salon « Créer » à Lille pour trouver quelqu’un qui pourrait m’aider. Pour moi, faire un plan de trésorerie ou un business plan, ça me semblait insurmontable. Par contre, le cœur de métier, je le connaissais, puisqu’il s’agissait des ressources humaines appliquées à un secteur dont j’étais moi-même utilisatrice. Je déconseillerais à toute personne de créer son entreprise seule. Pour moi, l’accompagnement est essentiel. C’est bien d’avoir des guides. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui vous mette face aux réalités. En ce qui me concerne, ça a été très porteur.

Un investissement de départ limité pour se faire connaître

Pendant de nombreux week-end, ma famille et moi, nous avons distribué mes flyers. J’ai fonctionné de cette manière là et après le bouche à oreille a fait le reste. Je suis allée vers les crèches, les associations, les lieux en rapport avec la petite enfance, vers la mairie. J’ai fait en sorte de me faire connaître ainsi mais sans que ça ne me coûte beaucoup d’argent. Mon seul investissement de départ, c’était 1500 euros que j’ai investi en publicité.

Trouver le juste prix et être conscient de sa valeur

J’ai commis une erreur lorsque j’ai défini mes tarifs, lorsque je me suis demandée : « qu’est-ce que je vaux ? » J’ai raisonné par prix de revient et j’ai observé la concurrence. A l’époque, il n’y avait qu’une entreprise dans mon secteur qui avait des prix très faibles. Alors je me suis dit que j’étais trop cher, du coup j’ai eu un positionnement prix très bas. Mes contrats ne comprenant pas de closes de révision de tarifs, j’ai mis 6 ans à m’en remettre. Et l’entreprise dont je vous parlais précédemment a fermé. Ce n’était pas viable. Elle était condamnée à faire du volume. D’où l’importance de donner le juste prix pour un service ou un produit !

Savoir s’écouter et se recentrer sur les choses importantes

J’ai voulu tout gérer dans l’entreprise et je me suis retrouvée dans une situation difficile. C’était une époque où je travaillais tout le temps. Et ce rythme n’était pas tenable. Je ne me suis pas assez écoutée. Puis, j’ai eu des échanges réguliers avec un coach qui m’a appris à prendre du recul et à savoir dire non. Je me suis dit que la personne la plus importante de ma vie, c’était moi.

L’importance d’avoir une écoute extérieure

Pour mes enfants, ça n’a pas été un gros changement car ils avaient l’habitude de me voir travailler beaucoup. Ils n’ont pas senti la transition. Pour mon mari, ça a dû être pénible, parce que je ne lui parlais que de ça ! C’est aussi pour cela que je trouve le marrainage* de pouvoir parler avec une personne qui a plus d’expérience dans la création, c’est génial. J’aurais moi-même adoré pouvoir bénéficier de ce type de programme à cause de ce besoin d’échange. Ca permet de faire avancer sa réflexion et d’être rassurée tout simplement.

*Nathalie Cayet a été la marraine d’une créatrice débutante dans le cadre du programme mis en place par Initiatives Plurielles.

Les qualités que doit avoir un entrepreneur

Les deux principales qualités que doit avoir quelqu’un qui crée son entreprise, c’est la curiosité parce que les idées ne viennent pas à vous. Les informations non plus. Il faut aller les chercher. La deuxième qualité c’est le culot. Il faut oser. Ce n’est pas toujours évident d’aller voir les gens, de mobiliser un réseau, de tenter des choses.

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question-1 Je pense qu’il faut un savoir-faire particulier. Il faut maîtriser le cœur de métier professionnellement, par les études, ou parce que c’est une passion. Vous êtes déjà obligés de passer beaucoup de temps à aller chercher des informations au niveau juridique, financier, communication, si en plus vous ne maitrisez pas le cœur de votre métier, ça me semble un peu compliqué.

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En ce qui concerne les services à la personne, j’ai vu beaucoup d’entreprises naitre et mourir au cours de ces 10 dernières années. Pour avoir discuté avec des dirigeants qui s’étaient plantés, je me suis rendue compte que le dénominateur commun était qu’ils ne maîtrisaient pas assez l’aspect juridique. Si votre cœur de métier, c’est la garde d’enfants, et absolument pas la partie juridique, il vaut mieux envisager de vous associer avec quelqu’un.

question-3 Pour moi l’âge, le fait qu’on soit homme ou femme, le niveau d’études, l’endroit d’où on vient, rien n’est un obstacle et tout est une question de volonté. Il peut y avoir plein d’autres facteurs en jeu : la chance, le fait de ne pas avoir eu le bon accompagnement. Mais avec le recul, je peux vous dire que la création d’entreprise demande une grande dépense d’énergie.

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J’ai fait une erreur à ce niveau là. Quand j’ai quitté mon entreprise, je suis partie avec un chèque. Au lieu d’investir cet argent dans l’entreprise, j’ai remboursé le prêt de ma maison par anticipation. Donc j’ai créé sans rien. Je n’étais pas sans revenu puisque j’étais demandeur d’emploi indemnisée. Au niveau de ma création, la première année, j’ai perdu de l’argent. La deuxième année je n’en ai pas gagné et la troisième, je gagnais 300 euros par mois.

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Comme je n’avais pas de sous, j’ai du recourir à un prêt d’honneur pour financer ma première campagne de communication. J’étais persuadée qu’il était important d’avoir une identité visuelle. Notre activité est immatérielle donc ça me semblait d’autant plus indispensable. Quand on n’a pas de moyens, on fait marcher son réseau : sa famille, ses amis, etc. J’ai une belle-sœur qui travaille dans une boite de pub, je me suis adressée à elle. J’ai choisi le code couleur et je lui ai demandé de me trouver une idée pour le logo. Concernant le site Internet, je me suis occupée de la partie rédactionnelle et j’ai demandé à mon frère de développer mon premier site web.

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J’avais surtout une grande langue ! Je n’avais pas de réseau dans les métiers de la petite enfance mais j’avais un réseau personnel au niveau des amis, de la famille, sur lequel j’ai pu compter. Soit on a de l’argent, soit on a des amis ! Si on a les deux, c’est super. Il ne faut pas rester seul. C’est très important d’être accompagnée. Ce que j’ai le plus mal vécu au commencement de ma création, c’était la solitude. J’avais toujours travaillé en équipe avant. Je n’avais personne avec qui échanger sur les problématiques rencontrées. Heureusement, j’avais mon entourage personnel. Et par la suite, j’ai embauché des collaborateurs.

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A l’époque non. Maintenant oui. J’ai eu l’occasion de rencontrer des entrepreneurs par la suite. Quand on me proposait d’aller dans des clubs, dans des lieux où je pouvais parler de moi, glaner des informations, je disais oui. Ca fait partie de la curiosité de l’entrepreneur.

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Moi je ne suis pas canalisable. Le plus logique dans mon cas aurait été d’ouvrir un cabinet de recrutement mais je me suis dit que j’allais vite m’ennuyer. J’ai besoin d’être multitâche. C’est un avantage que j’ai trouvé dans la création d’entreprise.

question-9

Je ne suis pas repartie chez un employeur en raison du traumatisme laissé par ma dernière expérience. Si je n’avais pas réussi ma création d’entreprise, j’aurais sans doute essayé de passer un concours administratif ou j’aurais fait autre chose. Je me suis dit également : je n’ai pas fait tout ça pour rien ! J’ai vite recruté quelqu’un ce qui m’a donné une responsabilité supplémentaire. Cette employée, elle comptait sur moi. Je ne me suis donc pas trop posée la question d’un arrêt éventuel.

question-10

Il y aurait pu avoir plusieurs éléments déclencheurs : l’élément financier d’abord. Bien sûr, je n’aurais pas attendu de ne plus pouvoir payer mes salariés ou l’URSSAF ou la TVA. Ce que je mettais en danger financièrement, ce n’était pas l’entreprise, c’était moi. J’ai la chance d’avoir un mari qui gagne correctement sa vie. Nous ne pourrions pas vivre uniquement sur son salaire mais je n’ai pas besoin de gagner énormément d’argent. La deuxième chose qui aurait pu faire que j’arrête aurait été que mon mari et mes enfants me demandent de choisir entre eux et mon entreprise.

question-11

Il y a une distinction à faire entre les nounous qui vont intervenir auprès d’enfants de plus de 3 ans ou de moins de 3 ans. Pour les premières, la loi n’impose aucune règle en particulier. Bien entendu, notre responsabilité à nous est de veiller à ce que les personnes qu’on envoie rendent l’enfant en bon état à ses parents ! Mais on fait aussi et surtout en sorte qu’ils sachent véritablement s’en occuper. En étant une entreprise de services à la personne, nous avons une activité réglementée et un cahier des charges à respecter. Dans ce cahier des charges, il y a des exigences en termes de formation par exemple.

question-12

Que ce soit pour les plus de trois ans ou les moins de trois ans, on utilise plus ou moins la même grille de candidature lors du recrutement. On va d’abord vérifier si la personne maîtrise les normes de sécurité. On regarde aussi tout ce qui a trait au développement de l’enfant par le jeu, puis tout ce qui est organisation, logique, bon sens. On les met en situation. Lorsqu’il s’agit d’enfants plus petits on va insister sur les techniques de puériculture : comment on fait un change ? Un bain pour un bébé ? Le biberon ? La diversification alimentaire ? Etc. Ensuite, on leur demande dans quel contexte elles préfèrent travailler. Quand il s’agit d’enfants de moins de 3 ans, la loi exige de nous qu’on vérifie qu’elles aient un diplôme spécifique à la petite enfance.

Visite de l'entreprise du temps pour soi...

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