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Compte rendu des visites et échanges
14 décembre 2015

Visite chez Tehms

montage-compte-rendu-TEHMS

 

Avant la présentation de Tehms, interventions de Fatiha Legzouli d’Initiatives Plurielles et de Laurine Herreman de Nord France Innovation Développement, pour le programme La Suite dans les Idées.

L’ambition de La Suite dans les Idées est de mettre en œuvre une politique ambitieuse de développement de la culture entrepreneuriale dans le Nord-Pas de Calais. La Région et ses partenaires (Education Nationale, Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité, représentants des dirigeants…) a pour vocation de faire de chaque habitant de la Région un acteur de sa vie professionnelle et du dynamisme du territoire.

Une quarantaine de femmes assistent à la visite dans les bâtiments d’EuraTechnologies. Ingrid Eeckhout, gérante de la société Tehms, présente son parcours et échange avec le public sur les différentes facettes de son expérience d’entrepreneure.

 

Promouvoir l’entrepreneuriat

Je vous accueille aujourd’hui avec plaisir, pour deux raisons. Je suis passionnée par ce que je fais et j’ai envie de le partager. Ensuite, je pense que monter une entreprise est une excellente façon d’être actrice de sa vie professionnelle et un très bon moyen de créer de l’emploi. C’est ainsi que je n’ai pas hésité à m’engager et que je suis également marraine dans l’association Initiatives Plurielles.

 

Présentation de Tehms

J’ai créé mon entreprise, en 2007, avec un co-fondateur qui est aussi mon frère.

Nous avons débuté cette aventure en 2005. Nous sommes éditeur de logiciels pour aider l’entreprise à gérer les ressources humaines, notamment la gestion de talents : identifier et évaluer leurs compétences, former les collaborateurs, leur proposer un parcours professionnel, détecter les pépites…

Nous sommes une entreprise technologique. Nous avons donc choisi de nous installer à EuraTechnologies, un écosystème dynamique qui accompagne la création d’entreprises dans les technologies (levées de fonds, connexions internationales…).

 

Un esprit entrepreneurial

J’ai 35 ans. Je suis mariée. J’ai trois enfants : une belle-fille de 15 ans et deux enfants de 9 et 3 ans. Le quotidien est assez chargé à la maison.

J’ai démarré par un DUT mesures physiques. J’ai été à Télécom Lille, une école d’ingénieur. J’ai choisi cette école, car au-delà de la partie technologique qui me passionnait, elle proposait une dimension marketing, gestion de projet, finances et une option « entrepreneuriat ». Dès le début j’ai mentionné mon envie de créer une entreprise. J’ai suivi ce cursus en apprentissage pendant trois ans.

Pour projet de fin d’études, j’ai travaillé sur la gestion des ressources humaines, dans un service qui se restructurait. Il fallait identifier les compétences des 60 techniciens pour leur proposer une formation. Ma mission mixait une partie RH et une partie développement informatique. Je me suis passionnée pour ce domaine. Cela a été une révélation et j’y ai trouvé l’idée de ma future entreprise.

 

Nos rêves sont accessibles

Invité à l’école, Denis Leroy, conseiller de projets à Cré’Innov, l’incubateur de Lille I, a livré aux étudiants une petite histoire qui m’a beaucoup aidé à progresser.

« Il était une fois une course de grenouilles. L’objectif était d’arriver en haut d’une grande tour. Beaucoup de gens se rassemblèrent pour voir les grenouilles, toutes très motivées. La course commença.

En fait, les gens ne croyaient pas possible que les grenouilles atteignent la cime et l’on entendit : « Inutile ! Elles n’y arriveront jamais ! »

Les grenouilles se découragèrent, sauf une qui grimpait, sourde aux commentaires : « Pas la peine ! Elles n’y arriveront jamais !... »

Les grenouilles s’avouèrent toutes vaincues, sauf une qui grimpa envers et contre tout, et atteignit la cime au prix d'un énorme effort.

Les autres, stupéfaites, voulurent savoir comment elle avait fait. L’une d’elles s’approcha pour le lui demander. Et découvrit qu’elle... était sourde ! »

J’aime cette histoire. Car, en période de création, on peut souvent entendre des discours du style : « Ce n’est pas possible. Sois raisonnable. Ce serait plus simple de rester salariée… » Résultat ? On ne monte pas en haut de la tour. Ne laissez personne vous empêcher de vivre vos rêves. Ils peuvent tout à fait être accessibles en restant sourd aux échos démotivants.

 

Se faire confiance, un véritable moteur

À la sortie de l’école, j’avais une idée de projet qui me passionnait. Mon frère était partant pour s’associer à une création d’entreprise. Puis, en présentant ce projet, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont conseillé de chercher un emploi, arguant de ma récente sortie de l’école. J’ai cédé et été rapidement embauchée dans une SSII… que j’ai quittée trois semaines plus tard, décidée à créer mon entreprise. Le déclencheur ? Un dîner chez une collègue dont l’ami avait démarré sa société en dernière année d’école d’ingénieur.

 

Être incubés : une clé du démarrage

Nous avons été incubé chez Cré’Innov pour commencer à réfléchir à notre projet d’édition d’un logiciel innovant de gestion des compétences.

Je me souviens du premier rendez-vous avec mon conseiller. Face à la porte étaient affichés les prix remportés par différentes entreprises, avec mon frère, nous nous disions « Ce n’est pas pour nous », avant d’être accueillis à bras ouverts.

Lors d’une création, pouvoir se faire accompagner et ne pas rester seul(e) sont, à mes yeux, deux points essentiels.

 

Être accompagnés pour avancer

Nous avons débuté un accompagnement avec plusieurs dispositifs mis en place dans la région, dont je souligne la qualité, pour le secteur des technologies et de l’innovation.

Cré’Innov nous a mis en relation avec le MITI, l’incubateur technologique du Nord-Pas de Calais, Réseau Entreprendre Nord, Bpifrance, d’autres organismes qui soutiennent la création et des fonds d’investissements.

Une fois entrés dans ce dispositif, nous avons été lauréats Réseau Entreprendre, LMI, Oseo... Preuve que l’on peut aller au-delà de ses rêves.

Nous avons démarré le projet et intégré des fonds d’investissements dans notre capital.  ce sujet, Autonomie et Solidarité a joué un grand rôle, car ils ont été les premiers à investir chez nous. Ce qui a permis un effet levier pour les autres (dont Inovam, un fonds d’investissement pour les entreprises innovantes…).

 

L’essentiel soutien familial

Si mon mari ne m’avait pas soutenue, je ne sais pas si j’aurais passé le pas. Avant de me lancer, j’ai aussi évoqué ce projet avec ma mère. C’est d’ailleurs elle qui a gardé ma fille à sa naissance, alors que je venais de créer. Mais le soutien peut également venir d’un(e) ami(e), d’un accompagnement dans une association. Il faut pouvoir compter sur une personne proche avec qui on peut partager ses inquiétudes, ses peurs, ses découragements… Une personne qui sait écouter et remotiver. C’est vraiment important.

 

Entreprendre : lever des défis quotidiens

Après avoir déposé les statuts de la société, un compte à rebours se met en place. Il faut commencer à faire du chiffre d’affaires, à trouver les premiers clients, puis les dix suivants… Cette étape n’est pas simple, surtout sans références, mais elle fait partie de l’aventure.

 

Accompagner le développement de son entreprise

Nous nous sommes ensuite développés et avons doublé le chiffre d’affaires chaque année jusqu’à atteindre un million en 2013. Nos concurrents avaient créé avec des fonds dix fois supérieurs et nous étions un petit acteur du marché. Pour évoluer, nous souhaitions proposer un logiciel qui, outre la gestion des talents, intégrait aussi le recrutement, la gestion des temps des activités et la planification. Nous avions donc besoin de fonds importants pour nous développer plus vite, plus largement et à l’international.

Avec notre comité de pilotage, nous avions envisagé une association, une acquisition ou une vente… Ce projet approuvé, la société Horizontal Software, éditeur en gestion du recrutement et gestion des temps, nous a contactés. Cette société cherchait à compléter son activité. Ensemble, nous avons construit, puis validé un business plan. Aujourd’hui, Tehms est détenu par Horizontal Software. Les actionnaires sont remontés au capital de la nouvelle entité et l’équipe a suivi le projet. Nous sommes un groupe de 80 personnes, présent sur toute la France, avec une ambition de développement à l’international, notamment en Amérique du Nord avec une filiale à New York.

 

Bien s’entourer pour cultiver une ouverture d’esprit

Nous avons été plusieurs fois lauréats et avions des parrains dans différentes structures. Au début, nous les rencontrions séparément avant de décider la création d’un comité de pilotage qui réunissait nos parrains, nos investisseurs et plus tard nos actionnaires. Véritable lieu de débat qui s’inscrivaient dans la complémentarité, il nous a permis d’échanger sur nos problématiques.

2015-11-19 Visite Initiatives Plurielles -TEHMS

 

 

les echanges avec un public desireux

 

 

« Combien de temps a duré votre création d’entreprise ? »

Nous avons intégré Cré’Innov en septembre 2005 et créé l’entreprise en mars 2007, un an et demi plus tard. Cela peut être plus court. Comme nous étions une entreprise technologique, nous avions besoin de recherche et développement préalable. Nous devions également trouver un financement et lever des fonds, étape qui nous a pris six mois.

 

« Au démarrage de votre projet, comment avez-vous inscrit
la création d’entreprise dans votre quotidien ? »

Je n’ai pas créé en étant salariée. Cette configuration n’est pas simple dans la gestion du temps. J’avais arrêté de travailler. Certes, je faisais un peu de consulting, mais cela faisait partie d’une « formation » à notre création. Quand nous sommes arrivés dans l’incubateur, nous avions juste une idée. Nous avons été accompagnés pour construire le business plan et transformer une vision en produit accessible sur le marché.

 

« Peut-on envisager de créer une entreprise avec uniquement son idée
ou faut-il un financement pour convaincre ses partenaires ? »

J’avais un peu économisé, car je percevais un salaire en apprentissage. Mais cette somme était bien insuffisante.

Selon moi, quand on démarre, on vient avec son idée, son expérience, son savoir-faire, son originalité, son envie et sa détermination.

Un des points très importants est l’adéquation de la personne avec son projet.

 

« Vous avez été formée aux bases de gestion et de management. Pensez-vous que ces compétences sont incontournables à la création ? »

J’ai tendance à penser qu’il s’agit de technique. Après mon école d’ingénieur, j’ai fait un master Entrepreneuriat et Management de l’Innovation à l’IAE. Nous suivions des cours de finance, de marketing… et nous rendions à chaque professeur la partie du business plan qui correspondait à sa matière. Ce master est ouvert à tous.  Enfin, dans les incubateurs et réseaux d’accompagnement, vous pourrez rencontrer des experts. Le plus important ? C’est l’idée, la conviction, la motivation, la passion, la différenciation. Ensuite, les moyens et les compétences, on les acquiert.

 

« Avez-vous créé techniquement votre logiciel ? »

J’ai co-crée l’entreprise avec mon frère. Nous avons suivi le même cursus mais il a un profil plus technique. Il a été à l’initiative de l’architecture technologique innovante pour laquelle nous avons obtenu un financement. Et nous avons très vite recruté pour avancer sur ce sujet. Déjà en incubation, nous avons intégré des stagiaires au sein de notre équipe.

La partie développement informatique n’est pas une contrainte pour créer dans les nouvelles technologies. Mais il faut comprendre son interlocuteur technique.

 

« Comment avez-vous pu vivre lors du montage de votre projet ? »

J’ai travaillé à la création de sites Internet en portage salarial. Mais j’ai surtout bénéficié d’allocations chômage, environ 800 € par mois le temps de la création. Puis au démarrage, nous nous sommes versé 1 000 € mensuel et nous avons obtenu l’ACCRE, une exonération partielle et progressive des charges sociales.

Enfin, nous avons créé jeunes. Mon mari travaillait, même s’il débutait. Notre niveau de vie n’était pas très élevé.

 

« Comment avez-vous convaincu votre premier client, alors que vous n’aviez pas de références ? »

Notre parcours de création a été une histoire de rencontres. Pour candidater à différents financements, les structures vous proposent d’échanger avec des experts. Dans ce cadre, j’ai rencontré le président de Nocibé, qui m’a suggéré de prendre rendez-vous avec son DRH de l’époque. Le produit qui correspondait aux besoins de Nocibé a séduit ce dernier. Et nous avons signé notre premier contrat. Depuis ce DRH, aujourd’hui consultant indépendant, est un fervent ambassadeur de notre logiciel.

« Le parcours de création doit-il s’inscrire dans un réseau thématique ? »

Nous avons suivi un dispositif régional dédié aux entreprises innovantes. Mais il en existe d’autres. L’essentiel réside plutôt dans la vision que vous avez de votre entreprise, de là où vous voulez la mener. Aujourd’hui en tant que marraine, je travaille avec ma filleule ces points : « À quoi ressemblera ton entreprise, as-tu envie de la développer avec plusieurs personnes ou veux-tu créer ton propre emploi ? » Le reste, c’est de la technique. Et de nombreux accompagnants pourront vous aider à valider votre projet.

« Fusionner avec une structure plus importante est sans doute sécurisant,
mais n’est-ce pas frustrant ? »

Certes, dans notre propre structure, nous avions plus de liberté. Avec mon frère, nous avancions vite et de façon autonome. Mais cette entreprise, il fallait la mener au pas suivant. Nous avons fusionné avec une jeune entreprise créée en 2010, dans laquelle l’organisation et le développement restent à construire. Cela est synonyme de beaux défis (filiale à New York…) qui sont la suite logique de mon travail chez Tehms.  Le développement est porté par une équipe de direction dans laquelle je me sens suffisamment de liberté pour partager ma vision et emmener le groupe là où je le souhaite. Pour l’instant, j’ai l’impression d’aller un pas plus loin. Mais peut-être un jour, je recréerais une entreprise.

 

« Comment vous développez-vous à l’international ? »

Le développement international est porté par le groupe. Plusieurs accompagnements existent en région la CCI international, la Coface, Business France avec qui nous avons fait des missions de prospection.

 

« Comment trouver l’équilibre entre être sourd aux démotivations et rester ouvert ? »

Quand on crée une entreprise, on crée une vision de là où l’on veut la mener. Les retours négatifs qui n’apportent rien au projet n’ont pas d’intérêt. Par contre, de nombreux accompagnants vont vous challenger sur des points qui permettent de construire cette vision. Pour rendre concrète cette l’idée, il faut revoir et ajuster certains sujets, s’adapter aux marchés, rencontrer de futurs clients. Pour le développement aux États Unis, j’ai discuté avec de nombreuses structures pour comprendre le marché. C’est important d’être à l’écoute de ce qui construit et alimente un projet.

 

« Comment accompagner une entreprise qui grandit ? »

Il faut prendre un peu de distance, être capable de se dire que son entreprise est une entité en tant que telle et apprendre à déléguer. Comme un enfant, cette entité se développe et prend son indépendance. Mon entreprise doit pouvoir vivre avec ou sans moi et avec l’intervention d’autres personnes.

 

« Comment fait-on dans les moments de doute ou quand on rencontre
un interlocuteur qui ne croit pas à votre projet ? »

Dans ces cas-là, la conviction intérieure porte. Et face à une personne sceptique, il convient de s’interroger. Cette personne a-t-elle compris mon projet ? Est-elle dans un environnement qui lui permet d’apprécier une innovation ? À ce sujet, je pense à cette citation d’Henry Ford : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides ». Est-ce que j’expose mon projet assez clairement ? Est-ce que je développe les bons arguments ? Cela permet de se remettre en question et de progresser.

 

« Vous avez des enfants, dormez-vous encore la nuit ? »

J’ai trouvé une organisation familiale, en accord avec son mari. J’étais enceinte lors de la phase de création d’entreprise. Cela m’a d’ailleurs aidée à prendre du recul. Ensuite à la naissance de mon deuxième enfant, je me suis organisée. J’avais une équipe qui était plus autonome. Certes, je ne décroche jamais complétement. Mais je peux, si besoin, me mettre à l’écart. Aujourd’hui, les développements sur le groupe me prennent plus de temps. Mais j’ai tendance à dire qu’il faut conserver un équilibre. Quand on passe 100% de son temps au boulot, on fait pire que mieux.

 

« Conseilleriez-vous à vos enfants d’être entrepreneur(e)s ? »

Oui. Je partage ce que je vis au quotidien. L’entrepreneuriat est, pour moi, une passion et un moyen d’expression. Quand ce n’était pas simple aux débuts, je m’interrogeais : « Pourquoi ne suis-je pas entré dans une grande entreprise ? ». La réponse est simple : « Jamais je n’aurais pu trouver un poste à ma mesure dans lequel je puisse m’exprimer et évoluer ». Aujourd’hui, les rencontres avec ma filleule sont bénéfiques, je réinterroge certaines idées. Cela me fait grandir.

 

« Comment concilier vie familiale et vie professionnelle ? »

La création d’entreprise prend une grande place dans la vie. Je me suis lancée à 24 ans. Avec mon compagnon, nous étions d’accord pour faire un bébé et construire l’entreprise en même temps. Nous avons eu beaucoup de chance, ma fille et mon entreprise sont nées en même temps. C’est là que le soutien familial prend tout son sens.

Il est important de rester à l’écoute de soi-même et de ses enfants. Aujourd’hui, je travaille beaucoup, mais tous les soirs, la famille se retrouve pour dîner. Je profite de la souplesse que m’offre la maîtrise de mon emploi du temps. Même si en contrepartie, je peux travailler un samedi ou partir une semaine en déplacement.

 

« Pouvez-vous nous décrire votre journée-type ? »

(Rires) Je n’ai pas de journée-type. J’essaie de conduire régulièrement mes enfants à l’école. À ce sujet, je m’organise avec mon conjoint. J’ai un bureau à la maison où je m’installe certains soirs. Sinon, avec mon portable et mon ordinateur, je travaille partout. C’est important d’être souple. Je fais aussi comprendre à ma famille qu’elle compte dans la réussite de cette entreprise. Je dis à mes filles que c’est notamment grâce à leur autonomie que je peux la faire avancer.

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